La scolarisation des enfants réfugiés syriens : la réalité sur le terrain

Voici quelques faits, basés sur la réalité du terrain de notre école qui accueille des réfugiés depuis maintenant 6 ans.

Sevag, 9 ans quitte sa classe de francisation aux 30 minutes pour aller vérifier que son frère de 6 ans est bien en sécurité dans sa classe de maternelle à notre école. Il a fallu trois jours avant qu’il soit  rassuré et qu’il cesse ce comportement appris en Syrie.

Hagop, 6 ans court se cacher à l’abri au passage d’un avion qu’il n’arrive pas à identifier par temps nuageux comme il l’a appris en Syrie. Nous sommes dans la cour lors de sa première journée à notre école qui est située sur la ligne d’approche pour l’atterrissage des avions à l’aéroport.

Marie, 6 ans, est incapable de fonctionner socialement en groupe. Après une rencontre avec une psychologue parlant sa langue (l’arménien) on découvre que son appartement était situé devant une caserne de soldat à Alep. La caserne a été utilisée pour torturer des gens et Marie rêve encore à l’odeur des corps, brulés sous ses yeux. Marie souffre de choc post-traumatique … et ses parents aussi …

Hratch, 11 ans, atteint d’une balle dans la jambe à Alep alors qu’il rendait visite à sa grand-mère comme à l’habitude. Un tireur embusqué visait sur tout ce qui bougeait, y compris les enfants.

Levon, 8 ans, n’a pas été scolarisé depuis 3 ans … il n’a jamais connu ce que c’était d’aller à l’école, vivant dans différents pays lorsque la famille a réussi a quitté la Syrie. Il a constamment besoin d’un adulte près de lui.

Voici quelques exemples de la réalité des enfants syriens arrivés depuis les 5 derniers mois dans notre établissement. Avec nos 6 années d’expérience dans l’accueil de réfugiés irakiens et syriens, je vous assure que les enfants qui arrivent actuellement  n’ont rien à voir avec le profil de réfugiés que nous connaissons. Le milieu de l’éducation  n’a aucune idée de la lourdeur de certains cas qui intégreront les écoles, et ce avant même de penser à les scolariser. À bout de souffle, sans aide gouvernementale supplémentaire, nous arrivons à peine à trouver les ressources, dans leur langue d’origine, pour aider certains de ces enfants à besoins très particuliers et dont il n’existe que très peu d’expertise au Québec particulièrement au niveau des chocs post-traumatiques. Et pourtant nous sommes une école communautaire arménienne, leur langue d’origine et en contact direct avec des ressources de la communauté dans leur langue.

Garine, 11 ans intégrera la classe régulière en février prochain. En mars dernier, elle ne parlait pas un mot de français.

Bedros, 11 ans aujourd’hui premier de classe en mathématiques en 6e année ne parlait pas français a son arrivé à notre école en 3e année. Il ne lui a fallu que 5 mois pour apprendre le français et réintégrer la classe régulière.

Georges,  8 ans intègre sa classe régulière et est reconnu pour ses talents d’acteur en français et sa facilité à apprendre des textes.

Ces enfants ont donc le potentiel pour réussir puisque 100% des enfants qui quittent nos classes de francisation réussissent leur année une fois intégrés au secteur régulier. Mais il leur faut un soutien qui dépasse parfois largement le montant actuel de la subvention offerte par le ministère de l’Éducation. Le plus grand danger et ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est de faire de ces enfants des décrocheurs, faute de leur avoir donné l’accompagnement pour réussir.  Sans assurer leur scolarisation et leur diplomation, il sera impossible de réussir une intégration réussi de ces immigrants.

En conclusion, sans classes de francisation, les chances sont grandes que plusieurs des élèves qui seront intégrés directement en classe régulière avec des mesures ponctuelles de francisation se retrouvent en adaptation scolaire alors qu’ils n’ont aucun problème d’apprentissage. Le milieu scolaire n’est actuellement pas prêt à franciser un nombre aussi important d’élèves avec des besoins aussi particuliers.

Il est très facile d’accueillir des réfugiés, ça en est une autre d’assurer leur intégration, leur scolarisation,  mais surtout la réussite des enfants à l’école. Nous savons très bien de quoi nous parlons et notre communauté est inquiète.

Sébastien Stasse

Directeur général

École Alex Manoogian

http://alexmanoogian.qc.ca

3 réflexions au sujet de « La scolarisation des enfants réfugiés syriens : la réalité sur le terrain »

  1. Ping : Accueil des réfugiés : un directeur d’école inquiet | Mario tout de go

  2. Quelle souffrance incroyable ont vécue ces enfants, mais quel travail extraordinaire vous faites pour les aider! J’espère que le gouvernement va vous donner les ressources pour embaucher tout le personnel nécessaire.

    Je serais intéressée à en savoir plus sur votre programme de francisation, puisqu’à Gabrielle-Roy nous recevons aussi souvent des élèves qui ne parlent pas français et nous n’arrivons pas à les intégrer en salle de classe régulière aussi rapidement que vous le faites.

    Continue ton bon travail Sébastien !

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  3. Bonjour !

    Merci pour les bons mots Geneviève ! Notre réussite passe par le travail extraordinaire de toute l’équipe-école.

    Tu trouveras les grandes lignes de notre programme ici : http://www.sebastienstasse.com/?p=708

    Je garde de beaux souvenirs de mon passage à l’école Gabrielle-Roy ! Salutations à la communauté francophone de la Colombie-Britannique 😉

    Sébastien

    J’aime

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