Le plan d’intervention pour aider l’élève, mais jusqu’où …

En 2004, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) en collaboration avec le Groupe de concertation en adaptation scolaire (GCAS) produisaient une série de documents d’appropriation de la démarche du plan d’intervention. Bien qu’à l’époque plus de 90 % des élèves handicapés et 60 % des élèves à risque bénéficiaient d’un tel plan, le MELS présentait alors cette démarche pour accompagner l’ensemble des élèves à besoins particuliers.

 

Le plan d’intervention

Le plan d’intervention, dont un modèle est disponible ici, est en fait une démarche commune de divers intervenants de l’école (directeur, enseignants, éducateurs spécialisés), des parents et de l’élève. Tous s’assoient à la même table pour identifier les forces et les difficultés de l’élève pour ensuite identifier des moyens de l’aider tout en visant au moins un objectif qui pourra être revu par la suite. L’élève, pour qui ce plan est mis en place, participe activement à son élaboration et joue un rôle central dans les moyens qui sont mis en place. Bref, une démarche pour placer l’élève au cœur de sa réussite.

La Loi sur l’instruction publique (LIP) rappelle l’obligation, pour le directeur de l’école, d’établir un plan d’intervention adapté aux besoins de l’élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (art. 96.14). Le cadre de référence pour l’établissement du plan d’intervention, qui contient tous les articles de loi et du régime pédagogique se rapportant au plan d’intervention, illustre bien que l’on ne peut plus faire sans cet outil dans notre système éducatif!

 

Une parenthèse

Ne disposant d’aucune aide financière en lien avec les services d’aide aux élèves à besoins particuliers, il n’est donc pas curieux que les écoles privées ne figurent nulle part dans ce cadre élaboré en 2004. Une omission à mon avis lourde de conséquences puisque l’aide aux élèves à besoin particulier concerne bien l’ensemble du milieu scolaire. Sachez que depuis deux ans (10 ans après la publication du cadre), les établissements privés doivent maintenant fournir au MELS des informations sur les élèves disposant d’un plan d’intervention dans leur établissement.

 

Sur le terrain au primaire

Mon expérience dans l’élaboration et l’application d’un tel plan est extrêmement positive et vaut amplement le temps nécessaire à sa mise en place. Les enfants sont surprenants dans leur capacité à identifier leurs difficultés et les parents impressionnés et rassurés de sentir que ces difficultés sont prises en compte par l’ensemble des intervenants de l’école. Les enseignants, que je côtoie tous les jours dans mon milieu, sont très ouverts à soutenir et à s’impliquer activement dans les moyens à mettre en place pour aider leurs élèves. Bien que ces échanges, basés sur des observations précises, permettent de mettre des mots sur des comportements de l’enfant observés à la maison ou d’interpeller le parent vers une évaluation possible par un spécialiste; ils permettent aussi de comprendre et de conceptualiser des échecs scolaires, mais surtout, et avant tout, d’offrir des moyens à l’enfant de réussir en tenant compte de ses difficultés. Notez que les élèves qui bénéficient d’un plan d’intervention ne sont pas seulement ceux qui ont un diagnostic de trouble d’apprentissage, mais aussi les élèves dont la réussite scolaire nécessite des mesures particulières qui vont au-delà de la flexibilité.

Les moyens sont variés pour aider les élèves : rattraper un retard d’apprentissage avec l’orthopédagogue, disposer d’un aide mémoire, pratiquer une notion à la maison, faire signer un agenda chaque soir, disposer du texte d’une compréhension écrite à l’avance, utiliser un aide numérique qui lira le texte, disposer de plus de temps pour faire un travail, agrandir le texte à lire, porter des coquilles antibruit lors d’une évaluation, etc.… De nombreux autres moyens sont identifiés dans l’excellent document de la Commission scolaire de Saint-Hyacinthe ou dans ce document de la Commission scolaire des Miles-Îles. Le MELS a lui aussi produit un document, par contre peu étoffé sur les moyens à mettre en place.

Lorsqu’un trouble d’apprentissage est identifié pour l’élève, loin d’être vu simplement comme une béquille, les mesures identifiées doivent permettre à l’enfant de l’outiller, de l’aider à développer des stratégies afin d’arriver à vivre avec ce trouble. À un certain âge, l’idéal est de le responsabiliser face à ses difficultés de façon à ce qu’il puisse lui-même utiliser les outils selon ses besoins.

De nos jours, il ne viendrait à personne l’idée d’interdire le port de lunettes en classe sous prétexte que tous les élèves n’en portent pas. De la même façon, l’identification d’un trouble d’apprentissage chez un enfant doit lui assurer qu’on tiendra compte de cette particularité dans l’ensemble de son cheminement scolaire.

 

Et après?

Le plan d’intervention étant maintenant entré dans les mœurs, le MELS ayant même encouragé sa mise en place sans la présence d’éducateur spécialisé ou de diagnostic, laissez-moi maintenant questionner de ce qu’il adviendra de cet outil dans le parcours de l’élève.

Dès 2004, une présentation du MELS indiquait déjà que « le plan d’intervention était d’une application plus difficile au secondaire ». Il s’avère, de source sûre, que cette difficulté est toujours présente aujourd’hui. Sans toutefois identifier l’ensemble des éléments susceptibles de justifier ces difficultés, il n’en reste pas moins que pendant plusieurs années, sur recommandation du MELS, des enfants auront pu bénéficier de mesures d’aides leur permettant de réussir et que, lors de leur passage au secondaire, ces mesures pourront peut-être ne plus leur être consenties. Pour les enfants disposant d’un diagnostic établi, j’imagine que les chances sont élevées qu’ils puissent continuer à bénéficier des mesures mises en place pour eux. Mais pour les autres, rien n’est aussi certain. Bref, deux questions se posent :

1 — est-ce que le plan d’intervention de l’élève, élaboré pendant ou à la fin de son primaire et incluant des mesures de flexibilité ou d’adaptation, sera pris en compte lors de son passage au secondaire?

2 — est-ce que des mesures seront mises en place pour offrir à cet enfant l’équivalent des mesures identifiées au primaire et susceptibles de l’aider et d’assurer sa réussite scolaire?

Loin de moi l’idée de casser du sucre sur les établissements secondaires (notre établissement offre le primaire et le secondaire), mais les ressources sont-elles aujourd’hui disponibles pour continuer le travail amorcé au primaire? Dans le contexte d’une école secondaire où l’élève côtoie plus de 5 enseignants et où chaque enseignant interagit avec plus de 60 ou de 90 élèves, est-il réaliste de demander à tous les intervenants de tenir compte de ce type de démarche?

 

En conclusion

Le plan d’intervention, comme outil d’aide à la réussite des élèves du primaire, est définitivement un outil qui place l’élève au centre de la démarche. Les éléments identifiés pour aider l’élève font suite à une démarche entre plusieurs intervenants et les moyens mis en place sont donc des éléments jugés essentiels à la réussite de l’élève. Par contre, dans quelle mesure notre système éducatif est-il conçu pour tenir compte de cet outil ou des éléments identifiés et mis en place pour aider l’élève tout au long de son parcours?

Sébastien Stasse

Une réflexion au sujet de « Le plan d’intervention pour aider l’élève, mais jusqu’où … »

  1. Bonne remarque!
    Dans quelle mesure notre système éducatif est-il conçu pour tenir compte de cet outil?
    À mon humble avis, le problème commence d’abord avec l’outil et la conception que l’on a de cet outil! Afin que cet outil puisse assurer une continuité entre le primaire et le secondaire ou simplement d’une année scolaire à une autre, il faut d’abord créer un outil qui remplit ses fonctions. Deux fonctions (voir le cadre de référence, MELS) importantes ici, une liée à la communication et une à la transition. Qui veut dire que le PI, cet outil, doit engager ses utilisateurs à communiquer et à assurer une continuité… Or, c’est rare que l’on regarde le canevas de PI que l’on utilise et qu’on se demande si ce canevas remplit son rôle. Est-ce que ce canevas, cet outil qu’on utilise nous permet de tenir compte des éléments identifiés? Et si le canevas de PI actuel ne remplit pas son rôle, est-ce qu’on essaie de trouver d’autres solutions? Est-ce qu’on essaie de modifier, ajuster, changer…ce canevas de PI dans le but de remplir ses fonctions?
    En somme, si le système éducatif ne tient pas compte de cet outil, il est temps que cet outil tienne compte du système éducatif! Nous pouvons créer un outil qui répond aux besoins de notre système éducatif!
    Au plaisir de partager avec vous.

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