Direction et médias sociaux

Le passage comme directeur remet en question tout un pan de mes habitudes numériques liées, entre autres, à certains médias sociaux que j’utilisais quotidiennement comme enseignant. Voici donc mon premier défi, suite à ma nomination comme directeur d’établissement scolaire.

 

J’ai eu la grande chance d’avoir, pendant 15 ans,  une tâche d’enseignement allant de la 1ère année du primaire jusqu’en 2e secondaire.  Je connais donc tous les élèves de l’école et bien entendu bon nombre d’entre eux font partie de mon réseau Facebook ou Twitter depuis plusieurs années. J’ai pris soin, dès le début, d’ajuster les paramètres de sécurité de Facebook, afin de m’assurer que les informations de mon profil, visibles par mes élèves, étaient extrêmement limitées. Nul doute qu’il s’agissait pour moi d’un outil extraordinaire pour communiquer avec les élèves, autant pour leur rappeler de rapporter une feuille à faire signer que pour leur offrir un support «en ligne» la veille d’une évaluation. Du côté de mon réseau Twitter, il s’agit surtout pour moi d’un outil de veille pédagogique, contenant donc très peu de données personnelles ou sensibles.

 

Depuis plus de 4 ans, j’ai ainsi un grand nombre de mes élèves et de mes anciens élèves qui se retrouvent parmi mes contacts Facebook et jusqu’à présent tout s’était très bien passé.  À peine nommé dans mes nouvelles fonctions de directeur à la fin juin, que je recevais plus de 60 demandes d’amitié Facebook, principalement de la part de mes élèves du primaire … ! J’y ai d’abord vu une belle façon pour eux de souligner ma nomination, mais il m’a fallu une bonne semaine pour évaluer de ce que j’allais faire avec toutes ces demandes.

 

C’est que depuis 2 ans, Facebook a gagné en popularité et les élèves, dès la 3e année du primaire, m’envoyaient régulièrement des demandes d’amitié que j’acceptais, dans les limites de sécurité que j’avais moi-même fixées et dont je vous ai parlé.

 

Une visite des policiers à notre école en mai dernier dans le cadre d’un programme de sensibilisation à la cyberintimidation avait contribué à ma réflexion au sujet de tous ces élèves faisant partie de mes «contacts». En effet, j’y ai appris que l’âge minimum inscrit dans la licence d’utilisation pour s’inscrire au réseau Facebook est de 13 ans. Ainsi, accepter des élèves comme «ami» ou même créer une page de classe en acceptant des enfants qui n’ont pas l’âge requis pour accéder au service me posait tout à coup un problème d’éthique et certainement de congruence avec les valeurs que je souhaite véhiculer. Il y a aussi que pour s’inscrire, un élève n’ayant pas l’âge doit fournir une fausse information et qu’en plus la publicité ciblée de Facebook lui proposera du contenu en lien avec l’âge fictif. D’un autre côté, l’idée de me substituer aux parents qui, à mon avis, sont les mieux placés pour autoriser au non l’abonnement de leur enfant à ce type de réseau, ne m’enchantait guère.

Après une semaine de réflexion, j’ai finalement envoyé un message à tous mes élèves sur Facebook :

 

«Vous êtes tous très gentils 😉 d’être ou de vouloir devenir l’ami de votre directeur, et je me trouve très chanceux de cette marque de confiance, mais je crois que ça pourrait peut-être nous placer parfois dans des situations inconfortables. J’ai beaucoup aimé mon années avec vous, au plaisir de vous revoir l’an prochain 😉 M. Sébastien».

 

Quelques heures après, je supprimais de mes contacts Facebook certains élèves fréquentant l’école, ceux qui n’avaient pas l’âge indiqué dans la licence d’utilisation. Dans un même souffle, je proposais la mise en ligne d’une page d’école Facebook de type « fans » qui ne nécessite pas d’accepter des contacts (évitant ainsi à l’école d’opérer une sélection) mais offre plutôt de devenir un « adepte » de la page en question en cliquant sur le bouton « J’aime ».

La prochaine étape sera de sensibiliser les parents aux conséquences de l’abonnement de leurs enfants sous une fausse date de naissance et bien entendu de les encourager à garder un oeil sur les «amitiés» de leurs enfants. Comme parent, je me fais un devoir de m’asseoir régulièrement avec mon garçon afin d’échanger avec lui sur les nombreux «amis» présents sur son profil.

 

Sébastien Stasse