À propos des badges

Après avoir suivi la récente polémique au sujet des badges «d’agilité pédagogique – COVID-19» lancés par quelques Académies françaises, la poussière étant maintenant (un peu) retombée, il me semblait pertinent d’y ajouter mon grain de sel. Plus particulièrement dans le contexte où je travaille pour une organisation (CADRE21) qui octroie depuis 2015 des badges numériques dans un contexte de développement professionnel … des enseignants. 

Le contexte de la France

Il faut d’abord tenir compte du contexte du lancement de ces badges en France. À ce sujet, Philippe Watrelot dans son article de blogue « Y a-t-il un prof badging ? »  aborde de façon pertinente les nombreux aspects qui, selon lui, ont mené au tollé suscité par ces badges : le caractère disruptif (dont le langage start-up utilisé), un système d’éducation à l’agilité elle-même discutable pendant la crise et le caractère enfantin associé à une « récompense » en plein gel des salaires des enseignants.

L’écosystème d’apprentissage des badges

Ensuite, il faut mettre en perspective le rôle complémentaire des badges numériques dans le contexte de reconnaissance des acquis. À ce sujet, l’article récent (juin 2020) de Maxime Pelchat, « Les badges numériques : valeur, confiance, reconnaissance et crédibilité » permet de faire le tour de la question et de bien comprendre l’écosystème d’apprentissage qui le sous-tend.

Le contexte du Québec et du Canada

Ainsi, plus de 15 000 enseignants, conseillers pédagogiques, directions d’établissements, professeurs au collégial, étudiants et professeurs universitaires ont un portfolio numérique permettant l’acquisition de badges sur deux des plateformes des partenaires du Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur du ministère de l’Éducation du Québec, soit le Campus RÉCIT et le CADRE21. Le gouvernement fédéral canadien, par l’entremise du programme CodeCAN, a même contribué au financement du CADRE21 de façon à permettre l’accès à ses formations en ligne (et donc à l’acquisition de badges) à tous les enseignants francophones d’un océan à l’autre. Loin des médailles en chocolat, les badges numériques sont maintenant une réalité dans le portrait du développement professionnel ou de la formation continue des enseignants au Canada.  En plus de reconnaître les compétences associées à leur obtention (preuves), un nombre d’heures associées à leur acquisition permet d’inclure le tout dans un plan de développement professionnel. Au risque de me répéter, le badge numérique est une façon complémentaire de reconnaître le développement professionnel qui peut prendre différentes formes, comme je l’abordais dans l’article « Les multiples facettes du développement professionnel ».

La confiance au coeur du système

Il reste que la valeur d’un badge est étroitement liée à la confiance. 

  • Le badge reconnait-il bien les apprentissages ou compétences ciblés? 
  • A-t-on validé la preuve soumise avant l’octroi? 
  • Le rapport entre le temps investi et les heures reconnues est-il fidèle à la réalité? 
  • Le badge sera-t-il reconnu par l’employeur ?

Ainsi, certains émetteurs de badges ne valident pas ou peu l’information soumise. Dans d’autres cas, un microbadge est émis pour chaque réalisation, à la manière d’un parcours ou d’une approche de ludification. J’ajouterai que le terme Open badge renvoi à un standard d’accréditation que les émetteurs ont le choix ou non d’appliquer. Bref un badge ça peut aussi être n’importe quoi !

Un badge COVID-19 au CADRE21 ?

Finalement, je ne peux passer sous silence que le CADRE21 a été approché il a plus d’un mois par plusieurs utilisateurs, dont des directions d’établissement, pour concevoir un badge «Covid-19» afin de reconnaître le travail de leur personnel pendant la crise du printemps. Cette demande a fait l’objet de plusieurs discussions d’équipe, allant même jusqu’à la conception d’un prototype. Au final, l’équipe a conclu qu’il serait extrêmement difficile de porter un jugement sur les preuves soumises sans connaître le contexte particulier de chaque établissement. En effet, le modèle du CADRE21 mis en place il y a plus de 5 ans (et qui a peut-être inspiré celui présenté par les Académies françaises) vise à reconnaître des apprentissages ou des compétences réalisées dans le cadre d’une formation en ligne où le sujet est bien circonscrit permettant une validation du badge octroyé et une rétroaction personnalisée par un expert de ce sujet. C’est d’ailleurs cet élément qui assure la crédibilité des badges du CADRE21 et donc leur valeur dans le milieu éducatif francophone. À cet égard, le mot badge n’est d’ailleurs pas utilisé pour qualifier les formations, le badge n’est en effet qu’un outil d’attestation, plutôt qu’une fin en soi. Les utilisateurs font des formations, pas des badges ! Les badges du CADRE21 peuvent aussi reconnaître la participation à des événements, mais dans ce cas, le contexte est très différent puisque la validation est liée à la présence de l’utilisateur à l’événement en question.

Bref, il semblerait que la polémique soit finalement liée beaucoup au contexte éducatif, un peu à la reconnaissance du milieu de cette nouvelle approche qui doit inclure une forme de valorisation loin des bonbons … et peut-être aussi à un certain « timing ».

Sébastien Stasse

Horizon 2025, une vision pour nos écoles

Horizon 2025

Dans le cadre du laboratoire en idéation stratégique de la FEEP tenu le 30 novembre 2016, on m’a demandé de partager mes réflexions sur ma vision de l’école pour l’horizon 2025. Cette réflexion faisait suite à la conférence d’Olivier Dyens intitulée Des nains sur les épaules de géants que l’on peut visionner ici lors de son passage au REFER. Voici donc mes éléments de réflexion sous forme non pas d’un texte suivi, mais de pistes de réflexion variées.

 

Nouvelle génération de parents et d’élèves

L’année 2025 marquera l’arrivée progressive dans les écoles des parents de la génération internet, ceux qui ont toujours vécu en présence des réseaux et des téléphones intelligents. Pour eux, la technologie ne sera plus une option, mais bien un monde dans lequel ils ont grandi. La naissance de l’internet tel qu’on le connait remonte aux années 1994-1999 et donc en 2025, les parents auront entre 26 et 31 ans.  Il s’agit de nos jeunes adultes actuels qui ont entre 17 et 22 ans. Comment cette génération verra-t-elle l’école pour leurs enfants ? Cette même génération, qui se démarque actuellement par un haut taux de diplomatie tardive des garçons suite à leur décrochage au secondaire. Auront-ils des alternatives au système scolaire qu’ils ont connu ?

 

Système rigide en porte-à-faux avec les besoins

La première difficulté actuelle de nos écoles c’est de devoir évoluer dans un système d’éducation rigide à bien des niveaux. L’expérience m’amène aussi à un certain scepticisme quant à la probabilité que de grands changements  structuraux se produisent dans notre système éducatif d’ici 10 ans. J’ai un peu plus d’espoir qu’il en ait d’ici 15 ans et convaincu que nous verrons des changements importants d’ici 20 ans. Cette lenteur est sans doute attribuable, en bonne partie, à un système éducatif politisé et à la succession de ministres de l’Éducation au gré des remaniements ministériels et des élections, qui amène son lot d’instabilité et qui rend difficile la mise en oeuvre de changements structuraux à moyen et long termes.

Une prise de conscience évidente que nous pouvons faire, du moins dans mon milieu, c’est que les élèves que nous appelons aujourd’hui « à besoins particuliers » sont en train de devenir la clientèle majoritaire de nos classes. Combinés à la problématique du taux de diplomation tardif au Québec, il me semble que ces éléments donnent une bonne indication que le système scolaire actuel a sérieusement besoin de se rajuster, en particulier pour tenir compte du fait qu’il devient très difficile de permettre à chacun de réussir à la mesure des attentes du système.

Serait-il possible de mettre à profit le numérique pour ajuster le système ? De revoir les attentes du système ?

 

Pour nos écoles et nos systèmes éducatifs

L’omniprésence du numérique au service de l’humain transforme ce dernier tant au niveau de ce qu’il est que de comment il pense. L’humain connecté sera peut-être la prochaine évolution après le Sapiens !  Milan Doueihi (2008), cité dans ce billet par Eve Suzanne, parlait d’homo numerus. La grande question c’est de savoir de quelle façon cette évolution se traduira-t-elle dans nos écoles?

Il devient donc incontournable, de donner accès aux appareils à tous les enfants, selon les besoins pédagogiques, dans un contexte où le numérique devient omniprésent. Je ne suis pas certain que le modèle actuel où l’école est responsable de la gestion et du financement d’un parc informatique cadre avec sa mission future. L’avenir est certainement au BYOD (bring your own device) ou AVAN (apportez votre appareil numérique) où chaque élève aura un appareil, mais le système scolaire (ou la société) devra certainement s’assurer que tous aient un accès à un appareil. Un crédit d’impôt pour l’achat de ce type de matériel par les parents ?

Cette relation à la machine inclut donc en plus l’accès à des réseaux solides et performants afin d’assurer l’usage pédagogique de cette technologie en dehors des murs de l’école. Encore ici, faut-il laisser au système scolaire la responsabilité de la gestion et du financement de ces infrastructures ? À quand une politique nationale pour un accès sans fil à toute la population ? On peut rêver non ?

Une nouvelle mission de l’école se dessine quant à l’éducation à cette présence numérique comme à de nombreux autres champs (la finance, l’éducation à la sexualité, l’entrepreunariat,  et bientôt quoi d’autre) bien au-delà des matières dites de base, et au-delà de la mission actuelle de l’école à savoir : instruire, socialiser et qualifier. Il restera que la socialisation et le développement d’habiletés sociales resteront sans aucun doute au centre de la nouvelle mission de l’école … mais pour le reste qu’en sera-t-il ?

La qualification, par exemple, sera-t-elle toujours le seul apanage de l’école ? Le numérique ne propose pas de révolution, actuellement, en  matière de sanction des études, donc comment assurer la qualité du diplôme autrement que par les moyens actuels, manifestement peu adaptés à l’évaluation des compétences.

En milieu scolaire, quel sera le rôle de l’enseignant versus le rôle de la machine? Quelles sont, et seront, les zones communes et exclusives. La notion d’un changement de rôle de l’enseignant vers celui de coach me rend un peu mal à l’aise dans le sens où ce rôle ne décrit pas la complexité de la profession qui consistera toujours à accompagner l’acquisition de savoirs appelés inévitablement à changer de nature et de forme, mais nécessitant à mon avis plus qu’un coach avec un aspect éthique et surtout humaniste nécessitant en plus des compétences pédagogiques professionnelles.

 

Côté technologique

Il y a 20 ans, on parlait d’application pédagogique (APO) de l’ordinateur, et il était alors question de l’intégration de la machine.  Aujourd’hui, on parle de nouvelle technologie de l’information et de la communication (NTIC ou TIC) dans une perspective d’usage à des fins pédagogiques. Demain, la question de la mobilisation sera au centre des interventions pédagogiques. D’ailleurs, déjà dans certains milieux, la technologie n’est plus un enjeu, mais une simple évidence ! Quand les élèves utilisent la réalité augmentée en maternelle comme outil d’apprentissage aujourd’hui … imaginez ce que ça sera demain.

Pour jauger de l’usage de la technologie dans votre milieu, coupez le réseau (et pas seulement l’internet) de votre institution pendant deux bonnes heures … quel sera l’impact ? Serait-il le même que si on enlevait les tableaux des classes pour la même durée de temps ? Imaginez dans 10 ans!

Mobiliser la technologie en pédagogie ça consistera à viser la mobilisation de ressources, de contenus, de savoirs, d’outils, de stratégies, de compétences (disciplinaires, transversales et numériques), mais surtout d’apprivoiser à mobiliser les technologies émergentes, tant pour les apprenants que pour les enseignants.

 

L’avenir pour nos écoles et notre système éducatif: 

Les ministères doivent comprendre que leurs services doivent être construits autour des citoyens, et non des processus –  Vérificateur général Michael Ferguson novembre 2016.

Comment donc nos écoles peuvent-elles assurer un rôle de leadership en éducation dans le système actuel ?

Je dirai que l’école doit être au service des élèves et non de ceux qui y travaillent.

Il faudra avant tout pouvoir compter sur une formation continue, autant des enseignants que des gestionnaires, par des sources diversifiées (badges numériques, lectures personnelles, cours, autoformation, lieu d’échanges, réflexions sous forme de blogue, congrès, ateliers, partages entre enseignants, etc.)

Il m’apparait urgent de développer un champ d’expertise relié à la recherche en éducation. L’école doit contribuer plus que jamais, en partenariat avec les universités, à générer des données probantes, à générer des modèles de pratiques gagnantes, qui pourront être adaptées à la réalité de chaque milieu. L’École et l’enseignement devront viser l’efficacité plutôt que la performance liée à la diplomation comme c’est le cas actuellement.

Les écoles, comme plusieurs le font déjà, devront aussi développer une capacité à prendre part à l’innovation, à en être des acteurs et pas seulement des spectateurs. Je rêve à une formation des maîtres à l’intérieur de centres universitaires intégrés aux écoles ou encore à des formations in situ liées aux pratiques, au-delà des traditionnels stages. Une formation en symbiose avec les milieux, au service du milieu en tenant compte de la réalité des milieux.

Dix ans c’est bientôt …

Sébastien Stasse

La citoyenneté numérique pour éduquer à la présence numérique

La citoyenneté numérique pour éduquer à la présence numérique de nos élèves et pour former les citoyens de demain.

Diaporama de la conférence

Vidéo du devin

Procédure de réponse des médias sociaux de la US AirForce

La pyramide de l’apprentissage : une légende urbaine ?

http://www.willatworklearning.com/2006/05/people_remember.html

http://www.danielwillingham.com/daniel-willingham-science-and-education-blog/cone-of-learning-or-cone-of-shame

http://clioweb.canalblog.com/archives/2014/08/13/30404260.html

Le service Peeple

Cinq piliers de la citoyenneté numérique 

Les médias sociaux, première source d’information des jeunes 

Charte d’utilisation de l’école Alex Manoogian

Document de travail de la charte d’utilisation du réseau sans-fil et de l’utilisation d’appareils mobiles (août 2011)