Horizon 2025, une vision pour nos écoles

Horizon 2025

Dans le cadre du laboratoire en idéation stratégique de la FEEP tenu le 30 novembre 2016, on m’a demandé de partager mes réflexions sur ma vision de l’école pour l’horizon 2025. Cette réflexion faisait suite à la conférence d’Olivier Dyens intitulée Des nains sur les épaules de géants que l’on peut visionner ici lors de son passage au REFER. Voici donc mes éléments de réflexion sous forme non pas d’un texte suivi, mais de pistes de réflexion variées.

 

Nouvelle génération de parents et d’élèves

L’année 2025 marquera l’arrivée progressive dans les écoles des parents de la génération internet, ceux qui ont toujours vécu en présence des réseaux et des téléphones intelligents. Pour eux, la technologie ne sera plus une option, mais bien un monde dans lequel ils ont grandi. La naissance de l’internet tel qu’on le connait remonte aux années 1994-1999 et donc en 2025, les parents auront entre 26 et 31 ans.  Il s’agit de nos jeunes adultes actuels qui ont entre 17 et 22 ans. Comment cette génération verra-t-elle l’école pour leurs enfants ? Cette même génération, qui se démarque actuellement par un haut taux de diplomatie tardive des garçons suite à leur décrochage au secondaire. Auront-ils des alternatives au système scolaire qu’ils ont connu ?

 

Système rigide en porte-à-faux avec les besoins

La première difficulté actuelle de nos écoles c’est de devoir évoluer dans un système d’éducation rigide à bien des niveaux. L’expérience m’amène aussi à un certain scepticisme quant à la probabilité que de grands changements  structuraux se produisent dans notre système éducatif d’ici 10 ans. J’ai un peu plus d’espoir qu’il en ait d’ici 15 ans et convaincu que nous verrons des changements importants d’ici 20 ans. Cette lenteur est sans doute attribuable, en bonne partie, à un système éducatif politisé et à la succession de ministres de l’Éducation au gré des remaniements ministériels et des élections, qui amène son lot d’instabilité et qui rend difficile la mise en oeuvre de changements structuraux à moyen et long termes.

Une prise de conscience évidente que nous pouvons faire, du moins dans mon milieu, c’est que les élèves que nous appelons aujourd’hui « à besoins particuliers » sont en train de devenir la clientèle majoritaire de nos classes. Combinés à la problématique du taux de diplomation tardif au Québec, il me semble que ces éléments donnent une bonne indication que le système scolaire actuel a sérieusement besoin de se rajuster, en particulier pour tenir compte du fait qu’il devient très difficile de permettre à chacun de réussir à la mesure des attentes du système.

Serait-il possible de mettre à profit le numérique pour ajuster le système ? De revoir les attentes du système ?

 

Pour nos écoles et nos systèmes éducatifs

L’omniprésence du numérique au service de l’humain transforme ce dernier tant au niveau de ce qu’il est que de comment il pense. L’humain connecté sera peut-être la prochaine évolution après le Sapiens !  Milan Doueihi (2008), cité dans ce billet par Eve Suzanne, parlait d’homo numerus. La grande question c’est de savoir de quelle façon cette évolution se traduira-t-elle dans nos écoles?

Il devient donc incontournable, de donner accès aux appareils à tous les enfants, selon les besoins pédagogiques, dans un contexte où le numérique devient omniprésent. Je ne suis pas certain que le modèle actuel où l’école est responsable de la gestion et du financement d’un parc informatique cadre avec sa mission future. L’avenir est certainement au BYOD (bring your own device) ou AVAN (apportez votre appareil numérique) où chaque élève aura un appareil, mais le système scolaire (ou la société) devra certainement s’assurer que tous aient un accès à un appareil. Un crédit d’impôt pour l’achat de ce type de matériel par les parents ?

Cette relation à la machine inclut donc en plus l’accès à des réseaux solides et performants afin d’assurer l’usage pédagogique de cette technologie en dehors des murs de l’école. Encore ici, faut-il laisser au système scolaire la responsabilité de la gestion et du financement de ces infrastructures ? À quand une politique nationale pour un accès sans fil à toute la population ? On peut rêver non ?

Une nouvelle mission de l’école se dessine quant à l’éducation à cette présence numérique comme à de nombreux autres champs (la finance, l’éducation à la sexualité, l’entrepreunariat,  et bientôt quoi d’autre) bien au-delà des matières dites de base, et au-delà de la mission actuelle de l’école à savoir : instruire, socialiser et qualifier. Il restera que la socialisation et le développement d’habiletés sociales resteront sans aucun doute au centre de la nouvelle mission de l’école … mais pour le reste qu’en sera-t-il ?

La qualification, par exemple, sera-t-elle toujours le seul apanage de l’école ? Le numérique ne propose pas de révolution, actuellement, en  matière de sanction des études, donc comment assurer la qualité du diplôme autrement que par les moyens actuels, manifestement peu adaptés à l’évaluation des compétences.

En milieu scolaire, quel sera le rôle de l’enseignant versus le rôle de la machine? Quelles sont, et seront, les zones communes et exclusives. La notion d’un changement de rôle de l’enseignant vers celui de coach me rend un peu mal à l’aise dans le sens où ce rôle ne décrit pas la complexité de la profession qui consistera toujours à accompagner l’acquisition de savoirs appelés inévitablement à changer de nature et de forme, mais nécessitant à mon avis plus qu’un coach avec un aspect éthique et surtout humaniste nécessitant en plus des compétences pédagogiques professionnelles.

 

Côté technologique

Il y a 20 ans, on parlait d’application pédagogique (APO) de l’ordinateur, et il était alors question de l’intégration de la machine.  Aujourd’hui, on parle de nouvelle technologie de l’information et de la communication (NTIC ou TIC) dans une perspective d’usage à des fins pédagogiques. Demain, la question de la mobilisation sera au centre des interventions pédagogiques. D’ailleurs, déjà dans certains milieux, la technologie n’est plus un enjeu, mais une simple évidence ! Quand les élèves utilisent la réalité augmentée en maternelle comme outil d’apprentissage aujourd’hui … imaginez ce que ça sera demain.

Pour jauger de l’usage de la technologie dans votre milieu, coupez le réseau (et pas seulement l’internet) de votre institution pendant deux bonnes heures … quel sera l’impact ? Serait-il le même que si on enlevait les tableaux des classes pour la même durée de temps ? Imaginez dans 10 ans!

Mobiliser la technologie en pédagogie ça consistera à viser la mobilisation de ressources, de contenus, de savoirs, d’outils, de stratégies, de compétences (disciplinaires, transversales et numériques), mais surtout d’apprivoiser à mobiliser les technologies émergentes, tant pour les apprenants que pour les enseignants.

 

L’avenir pour nos écoles et notre système éducatif: 

Les ministères doivent comprendre que leurs services doivent être construits autour des citoyens, et non des processus –  Vérificateur général Michael Ferguson novembre 2016.

Comment donc nos écoles peuvent-elles assurer un rôle de leadership en éducation dans le système actuel ?

Je dirai que l’école doit être au service des élèves et non de ceux qui y travaillent.

Il faudra avant tout pouvoir compter sur une formation continue, autant des enseignants que des gestionnaires, par des sources diversifiées (badges numériques, lectures personnelles, cours, autoformation, lieu d’échanges, réflexions sous forme de blogue, congrès, ateliers, partages entre enseignants, etc.)

Il m’apparait urgent de développer un champ d’expertise relié à la recherche en éducation. L’école doit contribuer plus que jamais, en partenariat avec les universités, à générer des données probantes, à générer des modèles de pratiques gagnantes, qui pourront être adaptées à la réalité de chaque milieu. L’École et l’enseignement devront viser l’efficacité plutôt que la performance liée à la diplomation comme c’est le cas actuellement.

Les écoles, comme plusieurs le font déjà, devront aussi développer une capacité à prendre part à l’innovation, à en être des acteurs et pas seulement des spectateurs. Je rêve à une formation des maîtres à l’intérieur de centres universitaires intégrés aux écoles ou encore à des formations in situ liées aux pratiques, au-delà des traditionnels stages. Une formation en symbiose avec les milieux, au service du milieu en tenant compte de la réalité des milieux.

Dix ans c’est bientôt …

Sébastien Stasse

Donner aux élèves les moyens de réussir

En cette fin d’année, voici l’aboutissement d’un projet inspirant et qui démontre bien le talent, mais aussi la détermination et l’engagement des enfants quand on leur en donne les moyens.

Mme Valérie Desroches, orthopédagogue à l’École Alex Manoogian, a travaillé sur ce projet d’enregistrement d’une chanson, en studio, avec la participation de quelques uns de nos 50 élèves qui ont bénéficié d’un accompagnement en orthopédagogie. L’objectif étant de démystifier ce service, qui permet non seulement aux élèves de corriger des lacunes ou de surmonter des difficultés d’apprentissage, mais surtout de les outiller pour l’avenir.

En collaboration avec le QDS Recording Studios voici donc le fruit de leur travail. Je suis particulièrement très fiers d’eux, mais surtout de pouvoir mettre en place les ressources nécessaires pour la réussite de chacun de nos élèves à la hauteur de leur potentiel.

Orthopédagogie par École Alex Manoogian sur Vimeo.

Voici un article qui présente les détails de notre programme d’orthopédagogie et notre approche. L’orthopédagogie, un « service » essentiel au « service » de l’élève

À propos de la créativité à l'école …

Article paru dans la revue Vision No 76 de l’AQÉSAP.

L’école de mon enfance, il y a plus de trente ans, ne m’a pas beaucoup aidé à m’éveiller ou à développer mon côté artistique. Je dirai même que mes cours d’arts plastiques ont simplement fait en sorte de renforcer l’idée que je n’avais aucun talent artistique. En fait, je n’arrivais tout simplement pas à faire de « beaux » dessins ou encore à démontrer un talent particulier en ce sens. Je n’ai jamais fait de musique à l’école ni d’art dramatique et encore moins de la danse. La culture à la maison a surtout été présente par les livres de la bibliothèque municipale, plus abordables pour notre famille modeste que d’éventuels cours de toutes sortes.

 Les Arts comme levier à la créativité

J’ai découvert un jour que j’avais un petit côté artiste en moi ou a tout le moins un grand côté créatif. Cette prise de conscience a eu lieu lors d’un week-end d’atelier avec l’artiste Seymour Segal. Le titre de l’atelier : « dépasser le bon et le pas bon ». Dès le début, Seymour avait insisté sur le fait que si nous produisions quelque chose de « pas beau » ça n’était pas grave et que si nous produisions quelque chose de beau » ça n’était pas grave non plus »… À partir de ce moment, j’ai surtout réalisé l’immense pouvoir des Arts autant sur l’estime de soi que sur la capacité à innover quand on pouvait laisser libre cours à sa créativité.

 

Et si la créativité était une des clés qui permettait aux gens de s’épanouir?

 

Et si l’école avait la responsabilité, en plus de donner le goût d’apprendre, de permettre aux enfants qui la fréquentent de goûter à différentes façons d’être créatif ou de mettre à profit leurs talents créatifs ou artisitiques ?

 

C’est sur ces deux prémices que depuis mon arrivée en poste comme direction d’un petit établissement d’enseignement, les Arts ont pris une plus grande importance. Pour y arriver, il faut nécessairement pouvoir compter sur des enseignants passionnés, mais surtout qui ont une vision inclusive des Arts permettant à chaque élève d’apporter une contribution à sa mesure. Le résultat : un spectacle de fin d’année où TOUS les élèves, de la maternelle à la 2e secondaire monteront sur la scène pour présenter une performance de groupe sous forme de chant, de musique, de danse ou de théâtre… sans oublier, pour quelques-uns, une exposition virtuelle de leur œuvre préférée. Dans les quelques lignes qui suivront, je vous présentai les différents aspects qui ont rendu possible un tel projet.

 

 Quand les Arts deviennent une priorité

Dans notre milieu, tel que le prévoit le régime pédagogique, les arts plastiques ont été choisis pour être enseignés de la 1re année à la 6e année du primaire par les titulaires de classe. À l’époque, l’art dramatique était aussi enseigné à tous les niveaux. Après avoir sondé les talents artistiques du personnel de l’école, deux des enseignantes avaient une passion et une formation particulière en art dramatique et en musique. Suite à une rencontre, j’ai pu obtenir leur consentement pour leur permettre d’enseigner la musique au 1er cycle du primaire et les arts dramatiques au 2e cycle de façon a ce que les élèves soient en contact avec différentes formes d’art dès le début du primaire.

La particularité de l’école où je travaille, c’est qu’elle dessert surtout la communauté arménienne du grand Montréal. L’arménien fait partie du curriculum de tous les élèves et, en plus de l’enseignement de la langue, les cours d’arménien intègrent la culture et l’histoire de ce pays. Depuis des années, des cours de danse arménienne se donnaient lors de périodes parascolaires à un certain nombre d’élèves, triés sur le volet dans le but de présenter un spectacle de fin d’année avec costumes traditionnels. Mon objectif était donc de trouver un enseignant pour offrir un cours de danse à tous les élèves du 3e cycle du primaire, mais aussi au niveau du secondaire afin de garder vivant cet élément de culture très valorisé par cette communauté. Après de nombreuses recherches, il a été possible de trouver cette perle rare et ainsi d’offrir ce cours à nos élèves. Sous forme de teamteaching, un enseignant et un spécialiste de danse arménienne s’assurent de l’atteinte des compétences du programme de danse par les élèves avec une saveur culturelle arménienne.

 

Finalement, notre classe d’accueil reçoit des élèves en francisation. Il s’agit d’iraquien, de syrien ou d’arménien récemment arrivés au pays et parlant souvent uniquement l’arménien. Ces enfants doivent donc, en plus d’apprendre la langue du pays, s’adapter à une nouvelle réalité, à un nouveau milieu. Afin de leur offrir une façon de s’exprimer tout en intégrant le français, nous avons mis à leur horaire plusieurs périodes d’arts plastiques avec une enseignante spécialiste. Ces périodes deviennent l’occasion pour eux de s’initier à différents médiums et même de présenter des expositions virtuelles comme celle-ci :

http://tinyurl.com/expositionvirtuelle

 

Et aujourd’hui …

Il n’est donc pas rare, dans la cour de récréation, de voir des élèves répéter une chorégraphie de danse ou pratiquer des répliques de théâtre. Les murs de notre école regorgent d’œuvres de nos élèves qui bien souvent se retrouvent aussi sur notre site Web.

 

En plus de permettre à nos élèves de s’initier à une autre forme d’expression, les Arts ajoutent à notre établissement une atmosphère créative qui a définitivement contribué à changer notre culture d’établissement! Et si un jour cette créativité n’est pas présente dans le métier que nos élèves choisiront de faire, je crois qu’ils auront goûté à différentes façons leur permettant d’être créatifs.

 

Sébastien Stasse