Directeur … et pourquoi pas !!!

La direction scolaire n’a jamais fait partie de mes plans de carrière, loin de là. Comment expliquer qu’aujourd’hui j’occupe un tel poste. Quelques explications, mais surtout une réflexion sur ma vision du rôle d’un directeur d’établissement.

Avant janvier 2011, il était clair dans mon esprit qu’être directeur d’école, c’était de reléguer la pédagogie au dernier rang des priorités et de ne disposer de très peu de marge de manoeuvre pour pouvoir vraiment changer l’éducation. Deux éléments essentiels qui font qui j’aime l’enseignement. C’est que ce travail de direction m’apparaissait composé essentiellement de « paperasse administrative » compte tenu des conventions de partenariat, des conventions de gestion, des projets éducatifs, des plans de réussites, des plans stratégiques, des conventions collectives, des conseils d’établissement, des budgets, des normes et modalités,  et bien entendu des orientations du Ministère … ou de la/le Ministre .  Ajoutez-y des vacances écourtées et un horaire où il est difficile de concilier travail/famille avec en plus avec un salaire à peine plus élevé que le plus expérimenté des enseignants. Bref, aucun intérêt  à occuper un tel poste, d’autant plus que mon travail comme consultant et enseignant m’apportait un autre élément essentiel au plaisir de travailler : pouvoir être créatif quotidiennement.

Tâches d’un directeur selon la LIP

Mais surprise, dans le cadre du cours « Évaluation d’établissement et réussite éducative »à l’Université de Montréal, ma façon de voir les choses a tout à coup été … ébranlée. Le chargé de cours : Amine Tehami, un ancien directeur d’école aujourd’hui membre du conseil supérieur de l’éducation, présentait les diverses étapes de la mise en place d’un projet éducatif et d’un plan de réussite. Mais  auparavant, il avait pris soin de dresser le portrait de divers types de modes de gestion (NPM/NGP, EBP). Cette entrée en la matière permit de contextualiser l’élaboration d’un projet éducatif à l’aide d’un processus permettant de faire émerger des orientations des enseignants plutôt que leur imposition de la part d’une direction d’établissement. La rencontre de ce professeur fut certainement l’un des moments les plus importants de ma vie professionnelle. Pour la première fois, on me présentait un modèle de gestion (bottum-up) qui me plaisait et qui me laissait entrevoir la possibilité de disposer d’un levier pour vraiment changer les choses à partir des enseignants plutôt que de la direction. Ce modèle a fait basculer ma vision du poste de directeur « bureaucrate » à « leader pédagogique supportant et accompagnant le personnel enseignant pour faire émerger une vision commune ».

À la mi-session, au même moment où j’annonçais mon intention de prendre une année sabbatique afin de compléter ma maîtrise en Éducation, la haute direction de l’école où je travaille depuis 15 ans, m’approchait, à ma grande surprise, pour m’offrir le poste de directeur en m’avisant que toute l’administration serait remplacée. Sans ma rencontre avec M. Tehami, ma réponse aurait été immédiatement négative. Mais, avec en poche un modèle de gestion différent, et la possibilité de « repartir à neuf dans un milieu que je connais » la chose méritait un peu de réflexion. Je me suis donc présenté à une rencontre avec la haute direction avec une série de demandes. Pour être à l’aise dans ce poste et pour pouvoir vraiment changer les choses il m’apparaissait important :

  • d’avoir un rôle axé principalement sur les aspects pédagogiques de l’école et confier la gestion du bâtiment au directeur adjoint
  • d’avoir carte blanche côté pédagogique
  • d’avoir la possibilité d’inclure les enseignants dans le processus de gestion par la mise en place d’un comité consultatif
  • de voir à la refonte complète du projet éducatif de l’école et à la sélection d’un maximum de 4 orientations pour l’année scolaire dont l’encadrement des élèves
  • de pouvoir mettre en place un plan de communication intégrant les médias sociaux
  • de s’affilier avec la FEEP (fédération des écoles d’enseignement privé) afin d’accéder aux ressources de ce réseau
  • d’avoir la possibilité d’engager ma secrétaire
  • d’avoir la possibilité d’être consulté pour l’embauche du directeur adjoint
  • de voir au réaménagement du bureau du directeur actuel pour en permettre un accès direct aux enseignants sans nécessairement passer par le secrétariat
  • de pouvoir mettre en place une structure pour une aide ponctuelle en orthopédagogie et des services d’aide aux élèves
  • d’obtenir un salaire tenant compte de mon expérience et de mes revenus actuels comme consultant

Après de bonnes discussions, l’ensemble de mes demandes ont été prises en considération et c’est ainsi que  je me retrouve donc aujourd’hui à la barre d’une école que j’aime beaucoup et avec le champ libre pour mener à bien un virage important. Je dois dire que les conditions sont idéales pour entrer en poste :

  • les enseignants souhaitaient un changement de direction et sont ouverts au changement
  • les enseignants sont expérimentés
  • les enfants y sont extraordinaires issus d’une communauté dynamique
  • l’appui de la haute direction et du conseil d’administration est inconditionnel et palpable tous les jours
  • un don substantiel d’un bienfaiteur me permet de faire l’acquisition de matériel informatique pour les élèves et les enseignants (iPad et MacBook)

J’ai pu choisir ma secrétaire, une personne d’expérience très efficace que je connaissais déjà et sur qui je peux compter et me fier. Mon directeur adjoint, issus de la communauté, est extraordinaire et notre vision commune permet de donner une direction claire à l’ensemble du personnel de l’école, mais aussi aux enfants et aux parents.  Nous avons procédé  à l’engagement de deux nouveaux enseignants très dynamiques, dont l’un issu de mes contacts dans mes réseaux sociaux et qui apporte une belle énergie au niveau de la mobilisation des TIC.  Tous ces éléments font en sorte que j’ai la possibilité et les moyens de former mon équipe en fonction d’une vision pédagogique.

Dans ce contexte, j’adore ce nouveau défi et j’y retrouve un aspect créatif essentiel pour me permettre d’être heureux dans mon travail.  J’arrive donc, pour le moment, à être en mode gestion plutôt qu’en réaction, mais au prix de plusieurs heures de travail avant ou après les classes. Mais ça, je m’en doutais bien !

Comment rassembler le personnel autour d’une vision commune ?  Je me propose, sous peu, de vous présenter une façon de faire qui jusqu’à présent semble fonctionner dans le milieu où je suis.

 

Bonne rentrée

Sébastien Stasse

Direction et médias sociaux

Le passage comme directeur remet en question tout un pan de mes habitudes numériques liées, entre autres, à certains médias sociaux que j’utilisais quotidiennement comme enseignant. Voici donc mon premier défi, suite à ma nomination comme directeur d’établissement scolaire.

 

J’ai eu la grande chance d’avoir, pendant 15 ans,  une tâche d’enseignement allant de la 1ère année du primaire jusqu’en 2e secondaire.  Je connais donc tous les élèves de l’école et bien entendu bon nombre d’entre eux font partie de mon réseau Facebook ou Twitter depuis plusieurs années. J’ai pris soin, dès le début, d’ajuster les paramètres de sécurité de Facebook, afin de m’assurer que les informations de mon profil, visibles par mes élèves, étaient extrêmement limitées. Nul doute qu’il s’agissait pour moi d’un outil extraordinaire pour communiquer avec les élèves, autant pour leur rappeler de rapporter une feuille à faire signer que pour leur offrir un support «en ligne» la veille d’une évaluation. Du côté de mon réseau Twitter, il s’agit surtout pour moi d’un outil de veille pédagogique, contenant donc très peu de données personnelles ou sensibles.

 

Depuis plus de 4 ans, j’ai ainsi un grand nombre de mes élèves et de mes anciens élèves qui se retrouvent parmi mes contacts Facebook et jusqu’à présent tout s’était très bien passé.  À peine nommé dans mes nouvelles fonctions de directeur à la fin juin, que je recevais plus de 60 demandes d’amitié Facebook, principalement de la part de mes élèves du primaire … ! J’y ai d’abord vu une belle façon pour eux de souligner ma nomination, mais il m’a fallu une bonne semaine pour évaluer de ce que j’allais faire avec toutes ces demandes.

 

C’est que depuis 2 ans, Facebook a gagné en popularité et les élèves, dès la 3e année du primaire, m’envoyaient régulièrement des demandes d’amitié que j’acceptais, dans les limites de sécurité que j’avais moi-même fixées et dont je vous ai parlé.

 

Une visite des policiers à notre école en mai dernier dans le cadre d’un programme de sensibilisation à la cyberintimidation avait contribué à ma réflexion au sujet de tous ces élèves faisant partie de mes «contacts». En effet, j’y ai appris que l’âge minimum inscrit dans la licence d’utilisation pour s’inscrire au réseau Facebook est de 13 ans. Ainsi, accepter des élèves comme «ami» ou même créer une page de classe en acceptant des enfants qui n’ont pas l’âge requis pour accéder au service me posait tout à coup un problème d’éthique et certainement de congruence avec les valeurs que je souhaite véhiculer. Il y a aussi que pour s’inscrire, un élève n’ayant pas l’âge doit fournir une fausse information et qu’en plus la publicité ciblée de Facebook lui proposera du contenu en lien avec l’âge fictif. D’un autre côté, l’idée de me substituer aux parents qui, à mon avis, sont les mieux placés pour autoriser au non l’abonnement de leur enfant à ce type de réseau, ne m’enchantait guère.

Après une semaine de réflexion, j’ai finalement envoyé un message à tous mes élèves sur Facebook :

 

«Vous êtes tous très gentils 😉 d’être ou de vouloir devenir l’ami de votre directeur, et je me trouve très chanceux de cette marque de confiance, mais je crois que ça pourrait peut-être nous placer parfois dans des situations inconfortables. J’ai beaucoup aimé mon années avec vous, au plaisir de vous revoir l’an prochain 😉 M. Sébastien».

 

Quelques heures après, je supprimais de mes contacts Facebook certains élèves fréquentant l’école, ceux qui n’avaient pas l’âge indiqué dans la licence d’utilisation. Dans un même souffle, je proposais la mise en ligne d’une page d’école Facebook de type « fans » qui ne nécessite pas d’accepter des contacts (évitant ainsi à l’école d’opérer une sélection) mais offre plutôt de devenir un « adepte » de la page en question en cliquant sur le bouton « J’aime ».

La prochaine étape sera de sensibiliser les parents aux conséquences de l’abonnement de leurs enfants sous une fausse date de naissance et bien entendu de les encourager à garder un oeil sur les «amitiés» de leurs enfants. Comme parent, je me fais un devoir de m’asseoir régulièrement avec mon garçon afin d’échanger avec lui sur les nombreux «amis» présents sur son profil.

 

Sébastien Stasse

La tablette à l’école privée

La tablette à l’école privée

Par Anne Caroline Desplanques, 2013

(Article paru dans le Journal de Montréal)

Adieu stylos et cahiers Canada, en 2012, plus de 5000 jeunes Québécois étaient équipés d’un iPad. C’est peu, sachant qu’il y a près d’un million d’enfants et d’adultes sur les bancs de l’école, mais le chiffre gonfle vite: plus de 15 000  élèves ont un iPad cette année, au privé essentiellement. En font-ils bon usage?

Depuis deux ans, Colin n’a plus de livres dans son sac à dos. Il a un iPad. Sa vie à l’école a changé du tout au tout, pour le meilleur.

«Il est tellement moins perdu, tellement plus heureux, tellement plus confiant», se réjouit sa mère, Suzanne Lortie, professeure à l’UQAM.

Colin étudie dans une école privée, au Collège de Montréal, où la tablette numérique a été introduite l’année dernière. Loin de la plume fontaine à laquelle sa maman était cantonnée au Collège Marie de France, l’adolescent a un clavier presque greffé au bout des doigts et une foule d’autres applications.

En classe d’éthique et de culture religieuse, Colin et son équipe ont par exemple réalisé un vidéo-clip sur l’intimidation, à partir du jeu ­Minecraft qui permet de créer des univers virtuels.

LE COÛT EN VAUT LA CHANDELLE

Comme plusieurs autres écoles privées, le Collège de

Montréal a choisi le modèle un élève-un appareil (tablette ou ordinateur portable). Dans tous ces cas, c’est aux parents de payer la note.

Pour Mme Lortie, le coût en vaut la chandelle: «Oui, le iPad est un objet qui coûte cher, mais les enfants vont vivre dans cet univers-là plus tard. Il faut leur apprendre dès maintenant à se positionner dans tout ça.»

MOT CLÉ : PÉDAGOGIE

À l’École Alex Manoogian, dédiée à la communauté arménienne, il est toutefois hors de question d’imposer l’achat d’un appareil aux parents, dont beaucoup sont des réfugiés fraîchement débarqués.

Directeur de l’établissement, Sébastien Stasse rejette même le modèle un enfant-un appareil. Pour lui, trop d’établissements font des technologies des outils de marketing pour attirer les parents. «Ce n’est pas une question d’argent. C’est une question de pédagogie», dit-il.

Dans son école de Ville-Saint-Laurent, les quelque 300 enfants ont le même ­cartable qu’il y a 20 ans. Mais dans les corridors, les charriots chargés d’ordinateurs portables et de tablettes circulent de classe en classe toute la journée.

«Ici, on n’intègre pas la technologie, on la mobilise. Si l’enseignant trouve que ça l’aide dans sa matière du jour, il l’utilise», explique M. Stasse.

«En éducation, les recettes mur à mur, ça ne marche pas», conclut le directeur.

RÉUSSITE DOPÉE PAR LA TABLETTE

L’introduction des tablettes a dopé la motivation des étudiants et leurs résultats scolaires, selon le Collège de Montréal.

«On a remarqué une plus grande ­richesse dans les travaux et plus ­d’engagement dans l’apprentissage. Les élèves passent plus de temps à étudier», explique Anne-Marie ­Poirier, directrice des services pédagogiques de l’établissement.

Avant d’imposer un iPad à tous à la rentrée 2012, le Collège de Montréal a fait l’expérience d’un ordinateur portable par élève dans une classe par niveau pendant 10 ans. À l’usage, les iPad se sont révélés plus simples d’utilisation d’où le virage Apple, indique la pédagogue. Cela a forcé les enseignants à changer leurs méthodes.

«Maintenant, on met les élèves en action constamment. On ne peut plus faire un cours magistral, explique Mme Poirier. ­L’enseignant est devenu un chef d’orchestre qui guide les élèves.» Pour elle, cette révolution a changé la vie des jeunes qui refusent maintenant d’être passifs dans l’apprentissage.

DISTRACTION

Aucune étude scientifique n’a toutefois démontré hors de tout doute que les tablettes sont synonymes de ­réussite scolaire, soulignait Thierry Karsenti, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal, lors du premier Sommet sur l’iPad en éducation en mai dernier.

Après avoir étudié 6000 élèves et 300 professeurs d’ici, M. Karsenti a ­remarqué un intérêt accru pour la lecture grâce aux tablettes. En mathématique, la visualisation sur l’écran favoriserait également la compréhension.

Mais le principal constat du chercheur est plutôt que l’appareil est une source de distraction majeure.

Mme Poirier l’admet: «L’an dernier, ça a été le 25 décembre pendant quelques mois. Les jeunes étaient sur les jeux et les réseaux sociaux.» Elle refuse toutefois la coercition. «En fermant le wi-fi ou en bloquant les réseaux sociaux et les jeux, on passerait à côté de quelque chose. On brimerait l’innovation et la créativité, ­insiste-t-elle. On a fait le pari de les éduquer et, cette année, c’est complètement différent. L’attrait de la nouveauté s’est estompé.»

Pour Mme Poirier, la clé de la réussite est dans l’accompagnement et la formation des professeurs, mais aussi des parents. Pour s’assurer que ceux qui sont sur la défensive soient partie prenante de l’aventure, le Collège de Montréal a offert deux soirées d’information à la rentrée.

«Il faut s’assurer que les enseignants et les parents sont solidaires, sinon ça ne peut pas fonctionner», dit la pédagogue.

LE RÉSEAU PUBLIC : L’ENFANT PAUVRE

Deux commissions scolaires du Québec ont pris le virage ­tablette. Parmi les 72, elles ­demeurent des exceptions dans le réseau public. Et malgré quelques projets pilotes novateurs ici et là, dans la majorité des écoles publiques, on en est encore à s’interroger sur le ­tableau blanc numérique (TBI).

En février 2011, le gouvernement libéral promettait un TBI par classe, au primaire et au ­secondaire, d’ici 2016. Le projet, qui devait coûter 240 M$ sur cinq ans, a finalement été mis sur la glace par le gouvernement péquiste.

GROS RÉTROPROJECTEUR

L’appareil est loin de faire l’unanimité. En fait, 86% des enseignants y voient plutôt des désavantages, selon une étude à paraître ­réalisée par des chercheurs de l’Université de Montréal. Trop petits, souvent en panne, les TBI sont la plupart du temps utilisés comme de gros rétroprojecteurs.

«Le TBI permet à l’enseignant de donner un show, d’être plus intéressant. Il donne un avantage de vitesse puisqu’on peut passer rapidement d’un sujet à l’autre et approfondir grâce à ­Internet. Mais on ne peut pas faire ça sans formation», explique Carl Malartre, président de Scolab, développeur de la très populaire application Netmaths.