Ce qui va disparaître et ce qui nous attend …

Il y a quelques semaines, alors que je cogitais en vue du congrès de la CEA/ACE qui a eu lieu à Calgary et qui proposait une réflexion sur « qu’est-ce qui fait obstacle au changement en éducation? », je tombe sur un excellent billet de blogue se penchant sur « sept disparitions évidentes  ».

En préparation à ma conférence au colloque Parents 3.0, voici donc que je me prends au jeu de reprendre quelques thèmes de cet article en imaginant leur impact au quotidien en tentant d’y voir un lien avec l’éducation.

Disparaître?

Qui eût cru que la cassette, le disque vinyle, le CD, la disquette allaient un jour disparaitre! Qui eût cru qu’une bibliothèque de musique de 14 000 titres pourrait être accessible de partout simplement par un service « infonuagique »! Qui eût cru qu’il aurait été possible de louer un film en ligne et d’en débuter le visionnement dans la minute qui suit ! Alors, imaginez la suite … où la fiction devient réalité !

Le papier

Déjà enclenchée, il faut prévoir la diminution (et non la disparition) de l’usage du papier à des fins d’écriture à moyen terme. Déjà, les versions papier des quotidiens et magazines s’essoufflent et à court terme, fini les congrès où à votre place vous attendra la traditionnelle tablette de papier et le crayon! Les bulletins scolaires sont en ligne, les demandes de documents gouvernementaux se font en ligne, le paiement des factures s’informatise, si bien qu’il faut maintenant payer pour une facture papier. C’est donc l’ensemble du savoir qui est en train de passer au numérique : manuels scolaires, cahiers d’activités, livres numériques et encyclopédies deviennent immatériels. La « Bibliotech » de San Antonio, entièrement vouée à l’édition numérique, trace la route vers une redéfinition de la nature même de l’institution que nous connaissons et vers un usage « tout numérique ».

Moins de papier pour écrire, donc moins de crayons qui seront remplacés par des stylets voués non plus à la graphie, mais à la sélection d’éléments sur un support numérique. L’outil reste, l’usage change… devrons-nous redéfinir l’apprentissage de l’écriture dans nos écoles à moyen terme?

L’argent papier

Le nouvel iPhone avec sa reconnaissance biométrique ouvre la porte à une nouvelle façon de s’identifier pratiquement « impossible » à usurper. Du même  coup, les cartes de crédit et notre porte-monnaie risquent d’être remplacés par nos appareils mobiles, ou peut-être même par une « montre » ou une « bague » électronique, qui seront plus sûrs et qui deviendront  l’élément central de toutes les transactions bancaires! La technologie NFC (sans contact) permettra à nos appareils de servir de support pour des transactions avec des marchants, mais aussi pour l’émission de billets électroniques (transport, cinéma, musées, spectacles, etc.). Fini l’argent comptant et, par le fait même, l’assurance de retracer l’ensemble des transactions effectuées par un individu. Du coup, plus besoin de demander l’âge à un client mineur pour lui autoriser l’achat de cigarettes ou d’alcool… la transaction avorte d’elle-même en fonction de l’établissement fréquenté et des informations liées à l’appareil de l’usager qui assure de son identité par la reconnaissance biométrique.  Pour le moment, on parle d’empreinte digitale, mais sous peu, il suffira de regarder son téléphone pour que ce dernier authentifie la rétine de l’usager et débloque ainsi l’appareil. Après tout, la caméra frontale existe déjà sur les appareils.

 

L’anonymat

Comment demeurer anonyme? Quand notre cour est photographiée du haut de l’espace, que nos commentaires et photos déposés en ligne sont enregistrés puis emmagasinés dans des bases de données dont nous soupçonnons à peine l’existence… il y a matière à éduquer nos enfants sur les dangers liés aux impacts de la publication de contenu sur leur avenir. Il reste que l’on peut encore prétendre à une forme d’anonymat… par l’utilisation de logiciels d’encodages à la TOR permettant de « diluer » notre présence numérique et par l’utilisation d’argent virtuel comme les BitCoin dont la possession n’est pas nominative. Ainsi, même les stupéfiants deviennent accessibles en ligne et un marché noir continue à exister de façon numérique. La fermeture du site Silk Road démontre bien que ce type de service est déjà présent et surtout en expansion. Les services de police sont donc condamnés à perfectionner davantage leurs départements voués à la cybercriminalité et ainsi à recruter un autre type de « policiers » spécialistes. En effet, l’internet à horreur du vide, et un site fermé peut  reprendre vie rapidement !

 

La géolocalisation

Le nombre d’individus connectés ne cesse de grandir… à moyen terme, les réseaux seront accessibles de partout en tout temps. Du coup, les appareils intégrant la géolocalisation deviennent la norme et l’offre de services en lien avec cette technologie ira en s’accroissant. L’omniprésence des réseaux amène la possibilité de réagir en temps réel et donc de commenter toutes sortes de services offerts : les sites de recommandations en ligne deviennent donc l’outil publicitaire par excellence tout en donnant un réel pouvoir aux consommateurs. Mais s’agit-il tout le temps de « vrais » consommateurs ou plutôt de gens employés par un établissement ou un site pour mousser la popularité de leur commerce par des commentaires élogieux… ou pire, de miner la concurrence par des commentaires d’appréciation négatifs? Nouvelle façon de rencontrer l’âme soeur, encore faut-il que le profil en ligne en soit un vrai ?

On peut déjà suivre « à la trace » notre téléphone intelligent ou même nos enfants par un simple gadget inséré dans un soulier ou un sac. Notre voiture peut-être retraçable si elle est équipée d’une puce GPS. Mais si en plus on choisissait d’être géolocalisable pour offrir un service ou un produit ?  Visiter un musée et offrir sur place ses connaissances sur l’artiste pour accompagner un visiteur lors de l’exposition?

La géolocalisation couplée à l’accessibilité aux réseaux permet la consultation de banques de données de tout genre : disponibilité d’un produit électronique en magasin ou d’une bouteille de vin, comparaisons de prix par son code-barre, horaire d’autobus au coin de la rue et même la position d’un avion lors de son trajet. Avec des lunettes intelligentes, l’information sera accessible sans même avoir à sortir son appareil mobile de la poche. Réseau et géolocalisation, peu importe le support, assureront un accès à ces bases de données et il sera impossible de ne pas avoir accès à de l’information.

 

La pression des médias sociaux

Devant la présence des médias sociaux, les prises de position et les réactions des citoyens risquent de bouleverser les rapports avec les commerçants : Oasis, Magnan et quelques autres ont goûté à la médecine des groupes spontanés qui proposent le boycotte d’une marque ou d’un commerce! On peut même en sentir les effets jusque dans les événements nationaux comme le printemps arabe ou chez nous le printemps érable où les manifestations étaient principalement annoncées via les médias sociaux. Nos enfants ne se contentent plus d’être des spectateurs de la société, mais ils ont déjà la possibilité de se faire entendre sur des tribunes que nous n’avions pas. Évaluer un enseignant, un médecin, un hôtel ou un restaurant … mais aussi rendre publique des agissements qui auparavant auraient passé sous silence, tel que le cas du matricule 728  mais aussi une grande variété d’événements loufoques ou inspirants qui font maintenant le tour de la planète.

Et nos écoles?

Comment apprivoiser ces changements dans nos institutions? Comment préparer nos enfants et le personnel de l’école à aborder le rythme effréné des avancements technologiques et des choses qui vont disparaître ou être remplacées ? Mais surtout comment faire en sorte que le système éducatif puisse continuer à instruire et à éduquer tout en tenant compte d’une réalité qu’il lui est inconnue et qui évolue chaque jour.

Mais pour commencer … on les gère comment les lunettes intelligentes à l’école?

Sébastien Stasse