Les événements d’avant Noël entourant le suicide de Marjorie Raymond m’ont profondément troublé. Comme parent, je trouve inconcevable que des enfants refusent même de se rendre à l’école parce qu’ils se sentent terrorisés de devoir faire face à leurs agresseurs. Comme directeur d’établissement, je trouve inacceptable que des enfants ne trouvent pas à l’école le climat de paix nécessaire aux apprentissages et à leur épanouissement. Par ailleurs, on le sait bien si on a été enseignant : l’affectif précède le cognitif … un élève qui doit faire face à de l’intimidation n’est certes pas placé dans les meilleures conditions pour apprendre et donc pour réussir.
La récente annonce d’une stratégie gouvernementale de mobilisation de la société québécoise afin de lutter contre l’intimidation et la violence à l’école est certainement un autre pas dans la bonne direction, puisque plusieurs établissements avaient déjà mis en place des politiques et des programmes pour contrer ce fléau. Je trouve cependant regrettable quand on généralise que les directions d’école ne font rien pour enrayer le problème …
Comme directeur d’établissement, j’ai beau mettre en place des règlements par le biais du code de vie de l’école, élaborer des politiques strictes pour les élèves en regard à l’intimidation et à la violence, sensibiliser le personnel de l’école, mener des campagnes auprès des enfants, il n’en demeure pas moins que la gestion de ce problème est loin d’être aussi simple que d’appliquer une recette qui fonctionne à tout coup. Parce que l’intimidation, ça se traite autrement qu’en suspendant des élèves ou en les mettant à la porte et que c’est aussi la responsabilité de l’école que d’éduquer les enfants, autant les victimes que les agresseurs, pour enrayer le cycle de l’intimidation.
J’oserais dire que quand il s’agit d’un problème de harcèlement physique ou de violence, la chose est plus « facile » à identifier et à régler. On a des faits, des éléments précis sur lesquels se baser pour sévir contre les responsables ou les encadrer. Quand il s’agit de cyberintimidation, encore ici les éléments de preuve, les traces, sont assez faciles à rassembler pour en arriver à identifier les coupables. Dans les quelques cas de la sorte auxquels notre institution a dû faire face au cours des dernières années, je dirais que nous avons fait un bon travail. Mais quand il s’agit de harcèlement verbal, d’intimidation psychologique, c’est un tout autre problème.
Notre école est loin d’être un lieu que l’on pourrait qualifier de violent. Pas de drogue, pas de gang et des parents majoritairement impliqués dans l’éducation de leurs enfants. Reste que des cas de harcèlement sont tout de même présents, surtout hors de la classe et malgré le nombre important de surveillants déployés cette année. Par le biais d’une composition sur le sujet auprès des élèves d’une classe, une enseignante m’apprenait que la moitié d’entre eux disaient avoir été victimes d’intimidation à l’école depuis la maternelle. Il s’agit en fait plus souvent de remarque désobligeante sur leur taille, leur poids, leurs fréquentations, leurs habiletés sportives, mais aussi parfois des mots blessants, de la méchanceté ou des rumeurs inventées pour nuire à leur image. Le terme intimidation est parfois utilisé à bien des sauces, je crois qu’il faut être prudent afin de bien identifier de quoi il s’agit pour y apporter la meilleure solution possible. Les jeunes enfants savent être cruels entres eux, parfois plus que les adultes, mais ils ont aussi cette naïveté qui fait en sorte qu’ils ne pèsent pas toujours l’impact de mots ou de gestes. Je crois donc que c’est surtout par l’éducation, dès la maternelle, qu’il faut agir en donnant des outils aux enfants et aux intervenants en milieu scolaire. Comment réagir quand des paroles nous blessent? Comment agir quand on est témoin d’intimidation? Comment parler de ce qu’on ressent?
C’est que l’intimidation, ça ne concerne pas que les enfants. Si comme adulte je ne suis pas en mesure de savoir quoi faire en cas d’intimidation, si je banalise le problème ou si je suis moi-même une victime, serai-je en mesure d’aider l’enfant qui subit de l’agression? Et d’ailleurs, qui d’entre nous n’a pas été victime un jour de remarques désobligeantes ou blessantes? Quelle a été notre réaction? Agirions-nous de la même façon aujourd’hui? Comme parent, avons-nous les outils et la connaissance suffisante du sujet pour intervenir de façon adéquate ?
La première étape pour faire cesser l’intimidation dans un milieu, c’est de reconnaître que le problème existe. Selon des études canadiennes, 1 incident d’intimidation survient dans les cours d’écoles du pays toutes les 7 secondes. De plus, dans 1 agression sur 5 qui est signalée, la victime est un enfant de moins de 18 ans. Une fois qu’on reconnait le problème, il faut ensuite trouver les ressources pour outiller le personnel, mais surtout les enfants.
Certains milieux disposent de professionnels en mesure d’aborder la question et de fournir le support nécessaire. Notre milieu n’a pas hésité à recourir aux services d’un organisme sans but lucratif qui a su s’adapter à nos besoins et répondre à nos attentes.
Parce que l’intimidation c’est l’affaire de tous … et qu’il est du rôle de l’école de donner aux enfants des outils concrets pour agir.
Sébastien Stasse
