Politique de la langue et mesures créatives

L’occasion est belle, à la lecture d’un récent article, indiquant que sera renforcée la politique de la CSDM concernant la langue française, de vous parler d’un projet mis en place dans notre école et dont je suis particulièrement fier. Mais avant tout, une petite mise en contexte.

Une politique de la langue à l’école

Un des éléments de la politique que la CSDM, et qui contient pas moins de 31 moyens d’action, semble vouloir être mis en place en septembre prochain, c’est l’imposition de la langue française partout à l’école.

Voici l’extrait (et malheureusement sans doute le seul) qui a défrayé les manchettes dernièrement :

19- Inscrire dans les codes de vie – ou codes de conduite:

  • 1° l’obligation pour les élèves de communiquer en français en tout temps et en toute occasion avec le personnel de l’école;
  • 2° l’obligation pour les élèves de communiquer en français entre eux, durant les cours, durant les activités culturelles, sportives et sociales organisées par l’école et dans la prestation des services de consultation personnelle.

Sur la page de la politique de la CSDM, on peut lire :

  • Il ne s’agit ni d’imposition, ni de coercition, ni d’obligation bornée. Aucune sanction ne sera imposée aux élèves qui dérogeraient à la règle. Il ne s’agit pas d’une police de la langue. Nous parlons ici de sensibilisation, de promotion.

 

Difficile d’être contre ce genre de mesure, puisque c’est bien en parlant une langue qu’on a les meilleures chances de la maîtriser. D’ailleurs, contrairement à la CSDM, certaines écoles ou collèges sanctionnent déjà les élèves qui s’expriment dans d’autres langues que le français dans les corridors et les cours de récréation de leur institution.

 

Quand le français est peu parlé à la maison

Ceci dit, voici la réalité quotidienne depuis maintenant 41 ans dans le milieu où je travaille. J’oeuvre dans une école arménienne à Montréal où tous les enfants parlent au moins 3 langues. L’anglais et l’arménien demeurent majoritairement les langues parlées à la maison et sont les langues maternelles des enfants … pour le français, c’est la langue «qu’il faut apprendre» à l’école et celle qui est surtout nécessaire pour obtenir un diplôme secondaire. La plupart des parents parlent (ou se débrouillent) en français, mais sont très loin de le maîtriser à l’écrit. Notre défi, comme institution est donc double : faire apprendre une langue qui ne sera pas (ou peu) pratiquée à la maison et assurer le niveau de maîtrise exigé par les programmes du ministère. C’est à cette même réalité que doivent aujourd’hui faire face les écoles de la région de Montréal étant donné que la proportion d’allophones dépasse maintenant celle des francophones.

J’ose dire que notre institution à une longue expérience en la matière, et l’expérience nous montre que pour faire du français la langue d’usage au quotidien il faut deux choses essentielles : arriver à faire aimer la culture francophone et être tenace.

 

180 chansons en 180 jours

Pour arriver à faire aimer la langue, il faut qu’elle soit signifiante pour les élèves et contextualisée. Une chanson récente de Shakira en français est un bel exemple de contextualisation signifiante pour des élèves qui baignent dans la culture anglophone. La musique est donc sans aucun doute un excellent levier pour atteindre l’objectif.

Ce qui m’amène à vous parler de notre extraordinaire projet 180 chansons francophones en 180 jours. Un bon exemple d’action concertée qui a de l’impact auprès des élèves et des parents. Ce projet, vécu l’an passé dans la classe de 6e année de Corinne Gilbert a été étendu cette année à l’ensemble des classes à partir de la maternelle. Le principe est simple : chaque titulaire dispose d’un iPad contenant, entres autre, 180 chansons francophones de 180 artistes différents. Les élèves sont donc en contact quotidien avec une chanson francophone différente qui écoutée dans la classe. C’est donc plus de 540 chansons différentes (180 par cycle) qu’auront écoutées les enfants au terme de leur primaire. De plus, les paroles des chansons ont été regroupées dans un recueil dont chaque élève à une copie. Il s’agit donc d’une écoute active des chansons où les élèves sont en mesure de suivre la mélodie en lisant les paroles. Évidemment, il est facile de voir tout le potentiel au niveau de la compréhension de texte que peuvent offrir les paroles de ces chansons ainsi que le lien avec les artistes de la francophonie.

Au-delà des politiques et des solutions mur-à-mur je crois que c’est en étant créatif et en mettant de l’avant des mesures choisies par le milieu que l’on a le plus de chance d’arriver à faire la promotion du français comme langue d’usage, même en dehors des classes.

Sébastien Stasse

Quand les médias sociaux s'invitent à l'école

La semaine dernière, j’ai eu le grand privilège d’être invité à clôturer la rencontre nationale des RECIT pour une conférence sur l’utilisation des médias sociaux à l’école.   Je me suis ainsi retrouvé à Duchesnay un beau mercredi midi devant une centaine de conseillers pédagogiques spécialisés en intégration des TIC. Voici donc les grandes lignes de cette conférence de même que le support visuel qui a servi à appuyer mes propos.

Déroulement de la conférence

Dans un premier temps, un ancien élève de notre école (Marc Dikranian) et une de nos enseignantes (Corinne Gilbert)  sont venus présenter tour à tour des usages des médias sociaux et du web 2.o ainsi que l’impact de cet usage pour le développement des compétences et de l’apprentissage.

Dans la seconde partie, j’ai présenté, du point de vue d’une direction d’établissement scolaire, quatre éléments que je crois essentiels à l’utilisation, à l’intégration et à la mobilisation des médias sociaux ainsi que des TIC à l’école. Le mot vision me parait un peu ésotérique dans le monde actuel où tout change si rapidement … mais disons que ma perception s’est construite au long de mes années d’enseignement, mais surtout lors d’accompagnements de directions et d’enseignants dans des projets d’intégration des technologies vécus dans plusieurs  provinces canadiennes à titre de consultant en nouvelles technologies. J’ai la grande chance aujourd’hui de pouvoir mettre en pratique cette vision, comme direction d’établissement scolaire, avec cependant très peu de moyens financiers. Il m’apparait donc difficile de traiter des médias sociaux et du web 2.0 avec un auditoire sans partager ma vision actuelle … de l’école de l’avenir. Voici donc les 4 éléments.

 1- La culture technologique de l’administration scolaire

Cette culture technologique est à mon avis essentielle pour construire l’école de demain et en est même l’une des conditions essentielles. Cette culture englobe l’usage, la mobilisation et l’intégration des TIC incluant l’utilisation des médias sociaux et des outils du web 2.0 par l’ensemble de l’administration scolaire (direction, direction-adjointe, secrétaire, personnel non-enseignant).

L’utilisation des technologies est encore loin d’être une priorité pour la majorité des enseignants, ainsi que pour les directions d’établissement scolaire. Imaginez alors les outils du web 2.0 ou les médias sociaux.  À titre d’exemple, chez nous, bien que j’ai eu un support inconditionnel de la part de ma direction dans tous les projets d’intégration de la technologie tout au long de ces années, la culture de l’utilisation de cette technologie n’était pas présente au sein de l’administration. Le résultat : 15 années où j’ai pu développer des projets innovateurs sans que les enseignants n’en viennent à changer leurs pratiques et sans qu’il n’y ait vraiment de « contamination » au reste de l’équipe. Il y a bien eu un ou deux enseignants qui ont manifesté de l’intérêt et développé des projets extraordinaires, mais il s’agissait toujours d’un intérêt personnel, non pas d’un projet d’école. Un blogue de classe est une chose intéressante, mais une culture de partage en réseau à l’échelle d’un établissement peut certainement s’avérer nettement plus profitable. Tant que la direction d’un établissement scolaire ne sera pas convaincue de l’importance de ces outils et n’y consacrera pas du temps et de l’énergie, on réagira aux médias sociaux plutôt que d’essayer d’en faire la gestion et d’encadrer leur utilisation.

2 – L’accompagnement des enseignants

L’accompagnement en matière de TIC et des nouveaux outils du web 2.0 doit se rapprocher des caractéristiques des médias sociaux. Les enseignants doivent avoir accès à la technologie 24h/24 7 jours/7, c’est le principe même des médias sociaux. Ils doivent  être accompagnés au quotidien, au moment où ils en ont besoin, une autre caractéristique des médias sociaux : l’instantanéité. Ils doivent pouvoir compter sur des serveurs performants hébergés par l’école ou la commission scolaire afin d’éviter que les données « infonuagiques » des élèves se retrouvent sur des serveurs privés. Si les enseignants ne trouvent pas d’outil assez performant sur le réseau interne scolaire, ils iront le chercher à l’extérieur des établissements scolaires.

Le développement professionnel devient donc aujourd’hui essentiel pour simplement suivre la cadence, surtout en matière d’outil du web 2.0 et de réseaux sociaux. Les éléments suivants sont essentiels :

  • Équiper chaque enseignant d’une machine performante est nécessairement la première étape.
  • Offrir ensuite un support presque quotidien qui répond au niveau de l’enseignant.
  • Privilégier l’accompagnement de l’équipe-école pendant une année complète.
  • Éviter de saupoudrer des formations annuelles où tout est à recommencer l’année suivante et où les mêmes enseignants se représentent souvent avec les mêmes questions.
  • Propulser les champions, supporter les débutants et différencier les formations.
  • Inclure les directions et le personnel ressource lors des formations à caractère TIC.

Songez-y,  quelles formations données aux enseignants ont eu un réel impact sur les élèves ? À ce sujet, j’ai glissé un mot sur le modèle de Guskey (une autre idée de billet de blogue à venir).

Je me propose de vous faire part des 2 autres éléments dans mon prochain billet. En attendant, vous trouverez ici le support visuel qui a servi à appuyer la conférence. La vidéo devrait être disponible sous peu.

Sébastien Stasse

Les TIC pour supporter un projet éducatif

Dans mon dernier billet, j’ai expliqué le processus qui a permis à notre équipe-école de s’entendre sur un nombre limité d’éléments qui deviendront nos orientations pour notre projet éducatif.  On peut les résumer par :

– encadrement des élèves

– responsabilisation des élèves

– expression en français

– identité culturelle arménienne

 

Identification des moyens 

Mes convictions en matière d’intégration, mais surtout de mobilisation, de la technologie en enseignement sont bien connues. Plusieurs enseignants s’attendaient d’ailleurs à ce que j’impose l’usage des TIC (technologie de l’information et des communications) par une orientation visant leur usage ou à tout le moins leur promotion. Comme je le mentionnais, il est important pour moi que les orientations proviennent du milieu et que j’ai choisi dès le départ de ne pas imposer des orientations. Comment donc arriver à mettre de l’avant mes convictions à l’intérieur d’orientations qui à première vue ne touchent pas aux TIC ?

Pour utiliser une métaphore, dans une école, les orientations forment les branches principales d’un arbre. Les bourgeons et les feuilles sont les moyens qui pousseront sur les branches secondaires.  Pour arriver à identifier ces moyens, afin de répondre à nos orientations, j’ai utilisé un processus différent de l’approche sociocratique. Dans les corridors de l’école, quatre cartons de couleurs ont été affichés en haut desquels était identifiée chaque orientation. Une boîte de crayons a été placée à proximité et les enseignants, de manière informelle, ont inscrit des idées de moyens à mettre en oeuvre pour répondre à ces éléments.

L’identification des moyens est cruciale et doit toucher, à mon avis, deux critères importants (1).

– Faire partie le plus possible du quotidien de l’élève.

– Être Pareto, c’est-à-dire nécessiter 20% d’investissement pour viser 80% de résultats.

 

La mobilisation des TIC

C’est donc ici que l’usage des TIC s’insère aisément comme un moyen dans toutes les orientations, pour le peu qu’on soit créatif. Les TIC deviennent donc un outil plutôt qu’une orientation ou qu’un objectif. Sans exagérer, notre milieu a mis en place depuis 15 ans une structure faisant en sorte que nos élèves du primaire sont sans aucun doute les plus compétents  en matière d’utilisation des TIC au Québec. Par contre, c’est une toute autre histoire pour nos enseignants. J’en reparlerai dans le cadre d’un prochain billet, mais retenons pour le moment que je souhaite mettre en place des moyens favorisant aussi l’usage des TIC par les enseignants.

Voici donc quelques exemples de moyens mobilisant les TIC mis en place depuis le début de l’année scolaire en lien avec chacune des orientations.

 

Responsabilisation des élèves

Pour responsabiliser nos élèves, l’un des moyens mis en place autorise l’utilisation des appareils mobiles des élèves (iPod, iPad et autres), de leur propre ordinateur (Mac, Pc, Linux) et de leur téléphone à l’intérieur des classes pour des usages pédagogiques encadrés par les enseignants. Cette permission est rattachée au respect d’une charte d’utilisation signée par les élèves et leurs parents et à une formation obligatoire en 3e année du primaire.

 

Expression française 

S’exprimer en français dans un contexte comme le nôtre où les deux premières langues sont l’arménien et l’anglais n’est pas une chose facile. Un moyen mis de l’avant est le projet 180 chansons en 180 jours. Chaque titulaire s’est vu remettre un iPad  sur lequel ont été déposées 180 chansons francophones de 180 artistes différents. J’aime le côté  contextualisation de l’outil technologique dans ce projet où l’appareil devient le support d’une activité quotidienne. Chaque jour, les élèves chantent une chanson différente d’un artiste différent à l’aide d’un recueil de paroles. Ces paroles peuvent donc être un prétexte pour l’analyse et l’étude de textes variés. Je compte élaborer sur la mise en oeuvre de ce projet dans un prochain billet.

 

 

Encadrement des élèves 

Pour l’encadrement des élèves, certaines fonctions de notre logiciel de gestion scolaire ont été étendues pour permettre à tous les intervenants d’un même élève de pouvoir accéder au suivi disciplinaire. Appels téléphoniques aux parents, retenue, devoirs non faits, manquement disciplinaire se retrouvent ainsi au même endroit et permettent une vue d’ensemble et un suivi efficace. L’entrée de ces informations nécessite l’usage d’un ordinateur permettant encore une fois de contextualiser l’usage des TIC, pour les enseignants cette fois-ci.

 

Culture arménienne 

Dernier exemple entourant l’arménien, un projet est mis de l’avant pour produire du contenu multimédia dans cette langue. Poèmes, chants, histoires et autres seront enregistrés sous forme de podcast ou de vidéocast afin d’en faire profiter l’ensemble de la communauté. Ce genre de projet existe déjà en français et sera étendu à l’arménien.

 

L’usage des TIC est donc l’affaire de tous et doit à mon avis s’inscrire dans une vision qui dépasse aussi la pédagogie. L’arrivé des iPad révolutionne complètement le rapport à la machine et a réellement créé un engouement pour l’ensemble de nos enseignants. La première étape consistait donc à insérer cet outil là où son usage sera le mieux contextualisé. À partir du moment où les TIC font partie du quotidien d’un enseignant, on se rapproche de leur utilisation pédagogique.

Pour terminer, notre processus d’identification des moyens est loin d’être terminé. Un comité consultatif sera formé sous peu et aura la tâche de voir à la sélection d’autres moyens ainsi qu’à l’identification d’objectifs.

Sébastien Stasse

(1)Je tiens à souligner la grande influence de M. Amine Tehami, chargé de cours à l’Université de Montréal, dans l’ensemble de l’élaboration de ce processus.