Twit snob et histoire de ciseaux …

Bientôt plus 2300 personnes seront abonnées à mon compte Twitter alors que de mon côté je ne tends l’oreille qu’à environ 350 personnes. Serais-je un Twit snob? Voici en quelques lignes ma vision de mon réseau sur Twitter.

Une histoire de ciseaux

La semaine passée, l’une des surveillantes à l’école est venue reconduire 3 élèves à mon bureau avec en main 3 paires de ciseaux. La récréation venait à peine de commencer. Tout de suite, la surveillante m’explique que ces élèves de 2e année ont été pris sur le fait de vouloir utiliser ces dangereux instruments pendant leur période de jeu à l’extérieur et qu’évidemment c’était inacceptable!

Je dois spécifier que l’évènement a eu lieu lors de la récréation du midi et qu’il faisait alors passablement froid dehors (-15 °C). Si froid que les « montagnes » (à hauteur d’enfant) de neige qui font la joie de nos élèves lors des récréations se sont transformées en montagne de neige très dure suite au redoux de la semaine précédente.

Ma première question va donc naturellement aux enfants, un garçon et deux filles que je n’ai pas l’habitude de recevoir à mon bureau pour des problèmes de discipline et à qui je demande de m’expliquer la présence des ciseaux. Les deux filles m’expliquent que c’était l’idée du garçon et qu’elles n’avaient que suivi son idée, et qu’elles ne voulaient pas être punies! Je me tourne donc vers le garçon qui m’explique, avec quelques sanglots, que lors de la récréation du matin il avait constaté que la neige était devenue très dure et qu’il avait pensé apporter un outil afin de pouvoir creuser dans la neige et ainsi continuer la construction d’un château.

J’ai donc félicité le garçon (à son grand étonnement, à celui des filles et de la surveillante)… je lui ai dit que je le trouvais qu’il avait fait preuve de beaucoup d’intelligence et qu’il avait usé d’ingéniosité pour trouver une stratégie afin de résoudre un problème qu’il avait. Je lui ai ensuite demandé à quels outils il avait songé pour mettre en œuvre sa stratégie… Bien entendu, il m’a répondu une pelle, un bâton, mais que tout ce à quoi il avait pensé n’était pas disponible dans sa classe le matin… sauf les ciseaux.

Je lui ai alors demandé ce qu’il en pensait maintenant… et nous nous sommes entendus, avec la surveillante, pour conclure que les ciseaux pouvaient faire l’affaire, mais que ça pouvait être dangereux et que c’était la raison pour laquelle il se trouvait maintenant à mon bureau.

Finalement, j’ai expliqué aux 3 enfants que la stratégie qu’ils avaient élaborée était excellente, mais que le moyen pour la mettre en œuvre ne convenait pas à la situation pour une question de sécurité. J’ai insisté pour qu’ils comprennent bien que malgré que ce moyen était sans doute le meilleur dans les circonstances, il n’était pas adapté au contexte de la cour de récréation.

  • Le problème : la neige trop dure pour être utilisée dans la construction d’une château
  • La stratégie : utiliser un outil pour creuser
  • L’outil : les ciseaux du coffre à crayons

Bref, tout est une question de stratégie, de moyen et de contexte.

 Et Twitter dans tout ça ?

Avant mon inscription sur Twitter le 8 avril 2009, je suivais l’actualité en éducation au travers de fil RSS de sites ou blogues à caractères pédagogiques auxquels je m’abonnais. Je souhaitais pouvoir ainsi suivre l’actualité en éducation, certains appellent cette action une « veille », au travers de différents acteurs dans le domaine sans avoir à me rendre sur chacun de leurs sites, mais simplement en consultant un aperçu des articles publiés.

  • Le problème : entretenir une veille en éducation
  • La stratégie : consulter des ressources sur le web
  • L’outil : les fils RSS ds sites colligés sur mon logiciel de courriel ou mon fureteur Web

L’un des problèmes de ce moyen, c’était la difficulté de consulter ma veille sur mon appareil mobile qui ne synchronisait pas, jadis, les fils RSS de mon ordinateur (nous sommes une année avant le lancement du iPad et aux balbutiements du Cloud computing). Il y avait aussi le problème de l’abondance des abonnements et la piètre efficacité de mon outil en terme d’efficacité pour la consultation.

Dès mon abonnement à Twitter, il était donc clair que cette plateforme serait consacrée surtout à des aspects professionnels de ma présence numérique sur le web et éventuellement à changer de moyen par rapport à ma stratégie visant à consulter des ressources en éducation sur le web

Pourquoi ajouter un autre média social de type personnel si d’autres me convenaient déjà très bien? J’avais déjà abandonné mon blogue personnel quelque temps après mon passage à Facebook en 2007. En effet, je redoublais l’information puisque j’y inscrivais essentiellement le même contenu : des photos et des cartes postales de mes péripéties. Par contre, j’avais tout de même continué à alimenter mon blogue professionnel, plus adapté au partage d’expériences et de réflexions en éducation que mon compte personnel Facebook. Ce blogue a ensuite été remplacé par un autre il y a maintenant 2 ans.

Twit snob … moi ?

Pourquoi cette mise en contexte? Tout simplement pour vous expliquer pourquoi je ne m’abonne pas systématiquement à tous ceux qui me suivent et pourquoi je considère que mon réseau Twitter est très efficace. Un twit snob, c’est ce qui décrit habituellement quelqu’un qui à plus d’abonnés que d’abonnement. Si la définition s’applique à mon profil d’utilisateur, je n’ai jamais eu l’intention de snober mes abonnés. Voici donc comment je gère mensuellement mes abonnées.

Chaque mois, je fais un ménage de mes abonnés en éliminant systématiquement ceux qui ne contribuent pas au réseau de façon régulière ou encore ceux qui y contribuent par des propos qui n’ont pas de lien avec l’éducation. Souvenez-vous de ma stratégie : entretenir une veille en éducation. Je souhaite donc pouvoir compter sur un moyen efficace pour y arriver et le fait de limiter ainsi le nombre d’abonnés m’assure une qualité de contenu impressionnante, me permettant à mon tour d’enrichir le réseau avec des contenus qui « émergent » d’acteurs actifs en éducation. Mais encore mieux, Twitter m’a permis d’interagir avec ces acteurs, de partager leurs idées et de faire connaître des ressources.

Je prends soin régulièrement de regarder le profil de chacun de mes nouveaux abonnés et vous remarquerez que chaque utilisateur à qui je m’abonne est associé à une liste.

Twitter est une rivière où il ne faut pas regretter l’eau qui a passé, mais plutôt contempler celle qui s’écoule.

Je ne remonte donc jamais au-delà d’une dizaine de messages dans l’historique puisque de toute façon j’ai toujours le sentiment d’avoir du contenu de qualité dans le moment présent par les messages de mes abonnées. Bref, ma veille, c’est eux qui la font!

Tout comme les enfants, j’ai donc trouvé le moyen le plus efficace (pour le moment) afin de mettre en œuvre ma stratégie.

Merci à ceux à qui je suis abonné et merci de la confiance de ceux qui me suivent !

Sébastien Stasse

L’école privée, c’est aussi …

Alors que le débat sur le financement des écoles privées refait surface, que les principales critiques portent sur le système de sélection des élèves, sur l’accueil d’élèves à besoins particuliers ainsi que sur l’aspect confessionnel de certains établissements, j’aimerais exposer une autre réalité propre à certaines écoles privées, dont la nôtre, et qui aurait peut-être avantage a être connue.

Notre école n’a jamais sélectionné ses élèves en fonction de leurs notes. Depuis plus de 40 ans, nous recevons des enfants issus de familles souhaitant garder vivants leur héritage ainsi que leur culture arménienne au sein d’une société québécoise francophone qu’elles ont choisie. Au-delà de l’enseignement de la langue arménienne, où nous mettons l’emphase sur l’oral, nos élèves sont en contact avec l’histoire de leurs racines, autant par l’intermédiaire des cours d’arménien que par la présence des arts, dont la chorale et les danses traditionnelles arméniennes.

Tous nos élèves parlent au moins trois langues, dont l’anglais et le français. Nos élèves sont presque tous bilingues dès la 4e année et nos finissants de 6e année réussissent déjà sans aucun problème l’examen d’anglais langue seconde de 5e secondaire. Le temps consacré à l’enseignement du français dépasse les prescriptions du ministère de l’Éducation du loisir et du sport afin d’assurer à nos élèves une bonne maîtrise de cette langue dans un contexte où très souvent il ne s’agit pas de leur langue maternelle. Un programme particulier de théâtre supporte l’apprentissage de la langue et notre projet de 180 chansons francophones en 180 jours est un exemple de notre engagement à initier les enfants à la culture francophone, plus particulièrement québécoise, de façon créative. Tous nos enseignants, responsables de l’application des programmes de formation prescrits par le ministère, sont légalement qualifiés pour enseigner au Québec et aucun cours de religion n’est dispensé dans nos classes.

En 2011-2012, 70% de nos parents recevaient une réduction financière permettant  ainsi à leurs enfants de fréquenter notre établissement. Le restant du financement, nécessaire à la survie de notre école, provient de dons privés de la communauté arménienne dont notre organisation mère, l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance, un organisme international.

Notre classe de francisation accueil des élèves immigrants et réfugiés de pays comme l’Égypte, la Syrie et l’Irak. Pour la majorité de ces élèves, la seule langue parlée est … l’arménien, parfois l’arabe. Le milieu sécurisant d’une école communautaire comme la nôtre où ils peuvent au moins s’exprimer et être compris dans leur langue vient sans aucun doute porter un baume sur le déracinement vécu par ces enfants et leur parachutement dans une autre culture. Les ressources en orthopédagogie, en pédopsychiatrie, en orthophonie et en psychologie que nous mettons à leur disposition, par le biais d’intervenants parlant leur langue, permettent à ces enfants de dépasser les traumatismes vécus dans leur pays d’origine. L’encadrement ainsi offert permettra à ces élèves de s’approprier une nouvelle langue en même temps qu’une nouvelle vie. Ces services, qui ne sont pas sans frais compte tenu de l’impossibilité pour notre école d’obtenir un financement pour de l’aide aux enfants en difficultés, sont donc absorbés en bonne partie par notre établissement, parfois avec l’aide financière des parents. Dans un contexte où les familles sont de nouveaux arrivant, leurs ressources financières sont souvent très limitées.

Depuis cette année, faisant suite au fameux printemps arabe, nous avons mis en place un programme particulier afin d’accueillir des enfants de la communauté égyptienne coptes avec qui notre communauté entretient historiquement des liens étroits. Ce rapprochement témoigne de notre intérêt à jouer un rôle dans l’intégration des nouvelles communautés.

Nos élèves ne sont donc pas sélectionnés en terme de résultats scolaires, de performances sportives ou de la capacité de payer des parents, mais plutôt en fonction de leur intérêt à apprendre trois langues dans un milieu d’enseignement en français et à recevoir une base en histoire de l’arménien, histoire qui est aussi celle du Moyen-Orient et par la suite du monde civilisé.

Dans ce contexte, plutôt que de généraliser le cliché d’un modèle d’école privée qui n’est pas le reflet de la réalité de l’ensemble des établissements, et de dénigrer des institutions qui sont souvent loin d’être élitistes, il faudrait peut-être simplement s’attarder aux autres modèles d’écoles privées qui font leur part pour recevoir une clientèle variée. De plus, l’autonomie de notre école permet à notre établissement de répondre adéquatement  et rapidement aux besoins particuliers des élèves, mais surtout d’avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour allouer les ressources (humaines, technologiques, matérielles et financières) à la réussite de tous nos enfants, tel que le prévoit le programme de formation de l’école québécoise.

Sébastien Stasse

Piloter le changement (2e partie)

Ma plus grande peur en devenant directeur d’établissement était de perdre l’aspect créatif omniprésent dans mon travail d’enseignant : concevoir et piloter des scénarios d’apprentissage (ou des situations d’apprentissage et d’évaluation), concevoir des projets mobilisant les nouvelles technologies, imaginer des utilisations pédagogiques innovatrices à certains logiciels. Il va sans dire que ce qui m’a permis de garder ma motivation tout au long de mes années d’enseignant en sciences au primaire et au secondaire, c’était cette créativité qui m’amenait souvent à sortir de ma zone de confort et à surprendre mes élèves. Pas de manuel pour mes élèves, pas de cahier d’exercices, mais beaucoup de livres de références et du travail en projet contextualisé intégrant les TIC à longueur d’année. Je suis soulagé d’arriver à être tout autant créatif comme directeur, à un niveau différent, mais tout autant satisfaisant.

« Dans chaque enfant, il y a un artiste. Le problème est de savoir comment rester un artiste en grandissant.  » (Pablo Picasso)

Je crois donc beaucoup au développement de l’aspect créatif de l’humain. Cette créativité a la capacité de soutenir la motivation et de développer la confiance en soi. Je pense que l’avenir sur le marché du travail appartient à ceux qui sauront faire preuve de créativité et d’innovation tout au long de leur vie. La créativité, les Arts, c’est aussi ce qui tient mon garçon dans le système scolaire depuis plusieurs années. Ce qui le motive à l’école ce sont les cours d’arts plastiques, mais surtout de musique.

Il n’est donc pas étrange que j’aie choisi de réorganiser le curriculum scolaire de notre école d’abord en ajoutant les Arts et leur aspect créatif : de la musique au 1er cycle du primaire, du théâtre favorisant l’expression en français au 2e cycle et de la danse avec un volet culturel de danse arménienne au 3e cycle et au secondaire. Bien entendu, le succès de ces cours passe avant tout par la compétence et l’engagement des enseignants de même que par l’encouragement aux élèves à se dépasser, mais aussi par la mise en place d’un élément les obligeant à sortir de leur zone de confort. Un spectacle de fin d’année leur permettra de contextualiser et de rendre compte de leurs apprentissages aux parents et à leurs amis.

Ça n’est pas uniquement en modifiant le temps de cuisson d’un gâteau qu’on le réussit mieux.

Le principal défi que notre institution a à relever, c’est de trouver des façons de rendre efficace l’apprentissage du français dans un contexte où :

1) tous nos élèves sont minimalement trilingues;

2) la majorité d’entre eux ne parlent peu ou pas le français à la maison;

3) le français est très souvent la 3e langue et parfois la 4e;

4) certains élèves ne peuvent recevoir d’aide à la maison pour les devoirs en français;

Ajoutez que certains de nos élèves quittent l’école en juin et ne reparleront en français qu’à leur retour à l’école en septembre et que la langue «réflexe» dans la cour d’école est l’anglais ou l’arménien, et le portrait est assez complet.

Dans ce contexte, la pression sur l’école et les enseignants est énorme pour arriver à ce que nos élèves obtiennent un niveau de français égal à ceux des enfants dont le français est la langue première. Le réflexe normal de tout gestionnaire serait peut-être d’augmenter le temps d’enseignement de cette matière, mais suite à une rencontre de tous nos enseignants de français (maternelle à secondaire) et à l’analyse des examens du ministère, l’effet escompté de cette mesure ne sera peut-être pas au rendez-vous. Comme quoi encore une fois, les intervenants du milieu ont grand intérêt à être entendus avant l’application de solutions « évidentes sur papier » !

La suite dans un prochain billet !

Sébastien Stasse