Que vaut vraiment un 58%

À la lecture des nombreuses réactions et des commentaires autour de l’ajustement des notes des élèves quand elles avoisinent la note de passage, et de la fermeture du dossier par le ministre de l’Éducation, j’aurais souhaité que la réflexion porte aussi sur l’enjeu de l’évaluation des apprentissages dans son ensemble, le principal talon d’Achille, à mon avis, de tous les systèmes éducatifs.

L’évaluation, beaucoup plus qu’une note

Au départ, évaluer c’est porter un jugement et pas seulement dans le domaine de l’enseignement.  Ce jugement se doit d’être le plus objectif possible, exempt de subjectivité, et il ne doit pas être arbitraire (Durand et Chouinard, 2012). Malgré tout le bon vouloir, il n’en reste pas moins que l’évaluation, particulièrement en éducation, n’est pas une science exacte et qu’elle repose en bonne partie sur le jugement professionnel du correcteur.

Certaines matières sont plus faciles à évaluer que d’autres, certains contenus aussi. Évaluer des connaissances est relativement simple et évaluer des habiletés aussi. Tous connaissent les fameux tests à choix multiples, qu’on appelait aussi « objectifs », ce qui est très ironique, puisque la seule chose objective dans ce type de test c’est la façon de le corriger.  On peut aussi parler des questions d’association où il n’y a aussi qu’une seule bonne réponse et qui permet en quelque sorte d’avoir l’impression d’assurer une certaine subjectivité. Il n’en demeure pas moins qu’il peut y avoir de la subjectivité dans la formulation même de ces types de questions.  Ce genre d’évaluation a été largement utilisé dans les programmes par objectifs qui ont marqué l’ensemble des systèmes éducatifs, menant à un cumul de notes qui donnait une certaine apparence de « légitimité » scientifique à une note finale pour rendre compte des apprentissages des élèves. Bon nombre de gens attribuent donc encore aujourd’hui une valeur importante à cette façon de faire qu’ils croient être fiable pour évaluer un élève. Ce type d’examen permet certes de conclure que l’élève connait des choses (ou a tout le moins qu’il donne la bonne réponse), mais pas nécessairement qu’il est en mesure de les appliquer dans un contexte donné.

On s’entend qu’il est beaucoup plus facile d’évaluer des connaissances que des compétences, d’où le risque d’évaluer ce qui est facilement mesurable au détriment de ce qui est important.

Comme le programme de formation de l’école québécoise, ainsi que beaucoup d’autres dans le monde, repose sur le développement de compétences,  il faut jeter un regard sur les outils qui permettent de porter un jugement dans ce contexte précis.

 

Et on évalue ça comment une compétence ?

La démarche d’évaluation d’une compétence nécessite que l’élève soit mis en situation complexe où il devra mobiliser un ensemble de ressources, de connaissances et d’habiletés pour réaliser une tâche. Là où ça devient compliqué, c’est de déterminer les critères d’évaluation et les éléments observables sur lesquels on se basera pour porter un jugement sur cette tâche. Là où c’est encore plus complexe, c’est d’arriver à ce que cette correction soit univoque, c’est-à-dire que deux enseignants différents arrivent à mettre une note semblable en regard aux critères d’évaluation identifiés. Une différence de quelques points, c’est peut-être la différence entre un 58 % et une 60 %.

Cumuler des notes pour évaluer une compétence ?

Dans le concept même de compétence, il n’est absolument pas cohérent d’additionner  une série de notes, obtenues en cours de développement, dans le but de faire foi de l’acquisition ou non de cette compétence au terme du processus. On peut certainement évaluer la progression de l’acquisition de la compétence, mais certainement pas intégrer cette « trace » à un résultat final.

Une compétence ça se développe, il est donc normal qu’on soit moins compétent au début qu’à la fin du processus … donc en quoi la note en cours de développement est-elle importante pour statuer de l’acquisition de la compétence à la fin ?  Les notes en cours de développement ne devraient pas être comptabilisées, comme il était initialement prévu dans le programme, mais simplement faire foi de la progression de l’élève de façon formative.  La compétence devrait plutôt faire l’objet d’une évaluation globale, et non seulement d’un examen, à la fin de la période prévue pour en valider ou non son acquisition.

Pour illustrer le tout, est-il important qu’un apprenti mécanicien ne sache pas changer un pneu au début de sa formation ? Certainement pas. Par contre, en fin de formation, si ce même étudiant démontre qu’il a acquis la compétence de changer n’importe quel type de pneu sur n’importe quelle type de voiture, en quoi le fait qu’il n’y arrivait pas au début doit-il avoir un impact sur une note finale ? On pourrait faire la même comparaison avec des notions d’organisation d’un texte, de résolution de problèmes ou de démarche historique … ce qui prime dans la note finale c’est l’acquisition de sa compétence et non pas l’évolution de son cheminement.

Le système actuel fait en sorte que les notes finales aux examens ministériels comptent entre 20 % et 50 % de la note finale de l’élève. Le reste provient des 3 étapes de son année scolaire, dont les deux premières étapes qui ont un poids variant entre 20 % et 40 % (selon le niveau) dans la note finale, une aberration dans un système de développement de compétence.

Et les examens ministériels

Dans un billet récent, j’ai abordé la question des épreuves ministérielles. Ces examens reposent en bonne partie  sur des situations de compétences corrigées majoritairement par les enseignants qui doivent suivre des directives précises, mais où il reste une grande place au jugement professionnel. Les guides de corrections font parfois plus de 40 pages (tableau 1), souvent l’enseignant doit s’en tenir à des barèmes de notes prescrits (8 points, 16 points ou 24 points) (tableau 2) sans marge de manoeuvre ou, encore une fois, quelques points de différence risquent de faire pencher la balance entre la réussite et l’échec.

Tableau 1 : Exemple de table des matières d’un guide d’administration et de correction d’une épreuve

 

Tableau 2 : Exemple de pondération provenant du ministère

Dans tout ce contexte, et sans mettre en doute le jugement professionnel des correcteurs, on peut peut-être comprendre la tendance du ministère à donner le bénéfice du doute à l’élève pour deux points en deçà de la note de passage, surtout s’il n’est pas possible de valider directement la correction avec le correcteur.  Par contre, une bonne pratique éthique nécessiterait, si la validation auprès de l’enseignant n’est pas possible, sans aucun doute la recorrection de la copie de l’élève par un tiers afin d‘en valider la correction. D’ailleurs de nombreux enseignants partagent ensemble la correction des copies d’élèves de façon collective afin de valider leur correction entre eux. Ultimement, dans un contexte de majoration de notes, pour éviter qu’il y ait un doute sur la note attribuée à un élève, il y aurait sans doute intérêt pour l’enseignant d’appliquer son jugement professionnel au moment d’inscrire la note et octroyer un 55 % plutôt qu’un 58 % à un élève qui n’a pas atteint les acquis. Dans le cas d’une note finale et dans un contexte de compétence qui ne se résume pas à un cumul de note, il y a certainement lieu de se questionner, si au terme de 180 jours de classe, l’élève est à deux point de réussir ou non son année scolaire.

Et s’il n’y avait pas de note ?

Mais au-delà de toutes ces considérations, si les notes finales au bulletin se résumaient plutôt à une indication du type : l’élève dépasse les attentes, l’élève atteint les attentes, l’élève atteint les attentes minimales et l’élève n’atteint pas les attentes ? Cette façon de procéder s’appuierait ainsi sur le jugement professionnel de l’enseignant, rendrait bien compte de l’acquisition des compétences et on n’en serait peut-être pas à discuter d’un ajustement de 2 points sur une année scolaire. Mais on entre ici dans un autre débat, celui de l’utilité des notes dans un contexte de sanction des études et d’un bulletin politisé dont je ne suis pas certain qu’il serve l’intérêt de l’élève … et des enseignants.

Sébastien Stasse

 

Horizon 2025, une vision pour nos écoles

Horizon 2025

Dans le cadre du laboratoire en idéation stratégique de la FEEP tenu le 30 novembre 2016, on m’a demandé de partager mes réflexions sur ma vision de l’école pour l’horizon 2025. Cette réflexion faisait suite à la conférence d’Olivier Dyens intitulée Des nains sur les épaules de géants que l’on peut visionner ici lors de son passage au REFER. Voici donc mes éléments de réflexion sous forme non pas d’un texte suivi, mais de pistes de réflexion variées.

 

Nouvelle génération de parents et d’élèves

L’année 2025 marquera l’arrivée progressive dans les écoles des parents de la génération internet, ceux qui ont toujours vécu en présence des réseaux et des téléphones intelligents. Pour eux, la technologie ne sera plus une option, mais bien un monde dans lequel ils ont grandi. La naissance de l’internet tel qu’on le connait remonte aux années 1994-1999 et donc en 2025, les parents auront entre 26 et 31 ans.  Il s’agit de nos jeunes adultes actuels qui ont entre 17 et 22 ans. Comment cette génération verra-t-elle l’école pour leurs enfants ? Cette même génération, qui se démarque actuellement par un haut taux de diplomatie tardive des garçons suite à leur décrochage au secondaire. Auront-ils des alternatives au système scolaire qu’ils ont connu ?

 

Système rigide en porte-à-faux avec les besoins

La première difficulté actuelle de nos écoles c’est de devoir évoluer dans un système d’éducation rigide à bien des niveaux. L’expérience m’amène aussi à un certain scepticisme quant à la probabilité que de grands changements  structuraux se produisent dans notre système éducatif d’ici 10 ans. J’ai un peu plus d’espoir qu’il en ait d’ici 15 ans et convaincu que nous verrons des changements importants d’ici 20 ans. Cette lenteur est sans doute attribuable, en bonne partie, à un système éducatif politisé et à la succession de ministres de l’Éducation au gré des remaniements ministériels et des élections, qui amène son lot d’instabilité et qui rend difficile la mise en oeuvre de changements structuraux à moyen et long termes.

Une prise de conscience évidente que nous pouvons faire, du moins dans mon milieu, c’est que les élèves que nous appelons aujourd’hui « à besoins particuliers » sont en train de devenir la clientèle majoritaire de nos classes. Combinés à la problématique du taux de diplomation tardif au Québec, il me semble que ces éléments donnent une bonne indication que le système scolaire actuel a sérieusement besoin de se rajuster, en particulier pour tenir compte du fait qu’il devient très difficile de permettre à chacun de réussir à la mesure des attentes du système.

Serait-il possible de mettre à profit le numérique pour ajuster le système ? De revoir les attentes du système ?

 

Pour nos écoles et nos systèmes éducatifs

L’omniprésence du numérique au service de l’humain transforme ce dernier tant au niveau de ce qu’il est que de comment il pense. L’humain connecté sera peut-être la prochaine évolution après le Sapiens !  Milan Doueihi (2008), cité dans ce billet par Eve Suzanne, parlait d’homo numerus. La grande question c’est de savoir de quelle façon cette évolution se traduira-t-elle dans nos écoles?

Il devient donc incontournable, de donner accès aux appareils à tous les enfants, selon les besoins pédagogiques, dans un contexte où le numérique devient omniprésent. Je ne suis pas certain que le modèle actuel où l’école est responsable de la gestion et du financement d’un parc informatique cadre avec sa mission future. L’avenir est certainement au BYOD (bring your own device) ou AVAN (apportez votre appareil numérique) où chaque élève aura un appareil, mais le système scolaire (ou la société) devra certainement s’assurer que tous aient un accès à un appareil. Un crédit d’impôt pour l’achat de ce type de matériel par les parents ?

Cette relation à la machine inclut donc en plus l’accès à des réseaux solides et performants afin d’assurer l’usage pédagogique de cette technologie en dehors des murs de l’école. Encore ici, faut-il laisser au système scolaire la responsabilité de la gestion et du financement de ces infrastructures ? À quand une politique nationale pour un accès sans fil à toute la population ? On peut rêver non ?

Une nouvelle mission de l’école se dessine quant à l’éducation à cette présence numérique comme à de nombreux autres champs (la finance, l’éducation à la sexualité, l’entrepreunariat,  et bientôt quoi d’autre) bien au-delà des matières dites de base, et au-delà de la mission actuelle de l’école à savoir : instruire, socialiser et qualifier. Il restera que la socialisation et le développement d’habiletés sociales resteront sans aucun doute au centre de la nouvelle mission de l’école … mais pour le reste qu’en sera-t-il ?

La qualification, par exemple, sera-t-elle toujours le seul apanage de l’école ? Le numérique ne propose pas de révolution, actuellement, en  matière de sanction des études, donc comment assurer la qualité du diplôme autrement que par les moyens actuels, manifestement peu adaptés à l’évaluation des compétences.

En milieu scolaire, quel sera le rôle de l’enseignant versus le rôle de la machine? Quelles sont, et seront, les zones communes et exclusives. La notion d’un changement de rôle de l’enseignant vers celui de coach me rend un peu mal à l’aise dans le sens où ce rôle ne décrit pas la complexité de la profession qui consistera toujours à accompagner l’acquisition de savoirs appelés inévitablement à changer de nature et de forme, mais nécessitant à mon avis plus qu’un coach avec un aspect éthique et surtout humaniste nécessitant en plus des compétences pédagogiques professionnelles.

 

Côté technologique

Il y a 20 ans, on parlait d’application pédagogique (APO) de l’ordinateur, et il était alors question de l’intégration de la machine.  Aujourd’hui, on parle de nouvelle technologie de l’information et de la communication (NTIC ou TIC) dans une perspective d’usage à des fins pédagogiques. Demain, la question de la mobilisation sera au centre des interventions pédagogiques. D’ailleurs, déjà dans certains milieux, la technologie n’est plus un enjeu, mais une simple évidence ! Quand les élèves utilisent la réalité augmentée en maternelle comme outil d’apprentissage aujourd’hui … imaginez ce que ça sera demain.

Pour jauger de l’usage de la technologie dans votre milieu, coupez le réseau (et pas seulement l’internet) de votre institution pendant deux bonnes heures … quel sera l’impact ? Serait-il le même que si on enlevait les tableaux des classes pour la même durée de temps ? Imaginez dans 10 ans!

Mobiliser la technologie en pédagogie ça consistera à viser la mobilisation de ressources, de contenus, de savoirs, d’outils, de stratégies, de compétences (disciplinaires, transversales et numériques), mais surtout d’apprivoiser à mobiliser les technologies émergentes, tant pour les apprenants que pour les enseignants.

 

L’avenir pour nos écoles et notre système éducatif: 

Les ministères doivent comprendre que leurs services doivent être construits autour des citoyens, et non des processus –  Vérificateur général Michael Ferguson novembre 2016.

Comment donc nos écoles peuvent-elles assurer un rôle de leadership en éducation dans le système actuel ?

Je dirai que l’école doit être au service des élèves et non de ceux qui y travaillent.

Il faudra avant tout pouvoir compter sur une formation continue, autant des enseignants que des gestionnaires, par des sources diversifiées (badges numériques, lectures personnelles, cours, autoformation, lieu d’échanges, réflexions sous forme de blogue, congrès, ateliers, partages entre enseignants, etc.)

Il m’apparait urgent de développer un champ d’expertise relié à la recherche en éducation. L’école doit contribuer plus que jamais, en partenariat avec les universités, à générer des données probantes, à générer des modèles de pratiques gagnantes, qui pourront être adaptées à la réalité de chaque milieu. L’École et l’enseignement devront viser l’efficacité plutôt que la performance liée à la diplomation comme c’est le cas actuellement.

Les écoles, comme plusieurs le font déjà, devront aussi développer une capacité à prendre part à l’innovation, à en être des acteurs et pas seulement des spectateurs. Je rêve à une formation des maîtres à l’intérieur de centres universitaires intégrés aux écoles ou encore à des formations in situ liées aux pratiques, au-delà des traditionnels stages. Une formation en symbiose avec les milieux, au service du milieu en tenant compte de la réalité des milieux.

Dix ans c’est bientôt …

Sébastien Stasse

L'école de demain, entre lassitude et découragement …

La poussière retombée suite à une soirée annoncée de confrontation et de débat (peut-on qualifier de débat un exercice où tout le panel est en accord et devant une assemblée de gens inspirants mais déjà tous convaincus 😉 ) dans le contexte d’une formule originale organisée par le dynamique Cadre21 confirme ma lassitude à entendre des conférences ou à participer à des activités portant sur la nécessité d’un changement en éducation. Je suis simplement usé !

La rafraichissante et pertinente présentation de Michel Cartier (ne provenant pas du milieu de l’éducation) lors de la première partie de cette soirée a apporté un angle intéressant sur le monde de demain et la cohabitation en porte-à-faux en éducation entre la culture de l’écrit et l’évolution vers la culture de l’image-écran. De plus, l’image forte du web 2.0 qui passe vers un web 3.0 axé sur l’internet des services (une nuance de l’internet des objets) était révélatrice de la nouvelle réalité qui émerge dans notre quotidien. La réalité de nos enfants sera loin de la nôtre, c’est aujourd’hui plus qu’évident et ce grand-père Cartier en est, lui, bien conscient.

Loin de moi l’idée de critiquer l’initiative du Cadre21 pour la suite du « non-débat » de cette soirée, tout de même fort enrichissante au niveau des rencontres informelles. Ce nouveau  joueur développe et se positionne de façon remarquable sur l’échiquier de la formation professionnelle et continue, visant les enseignants (et souhaitons-le des administrateurs scolaires) sur le plan international. Signe que, dans la nouvelle mouvance numérique, la formation et le perfectionnement ne sont plus l’apanage que des institutions universitaires, l’approche du Cadre21 est, disons-le, tout simplement visionnaire.

Ma lassitude et mon découragement, sont donc plutôt attisés par le fait que l’on cherche encore à identifier qui doit mener ce changement et comment alors que bien peu d’exemples concrets ou de modèles de réussites sont généralement présentés pour illustrer la possibilité de mener des changements dans les règles de fonctionnement actuelles du système. Yvon Deschamps dirait « on veut pas le sawouère on veut le woèèère ».

On parle de « hacker » le système éducatif, Nancy Brousseau reprenait l’image de la « désobéissance civile »  en éducation qui pourrait plutôt, à mon avis, se traduire par un sujet d’actualité :

si l’évitement fiscal est légal, pourquoi ne pas se tourner vers de l’évitement de régime pédagogique tout en naviguant dans les limites des règles.

 

Ça veut dire quoi concrètement ?

Introduire des périodes de parascolaires obligatoires en début ou fin de journée pour l’enseignement de matières hors curriculum mais en lien avec les compétences du 21e siècle. Mettre en place de l’enseignement à distance dans une formule de classe inversée. Intégrer une approche multidisciplinaire en team teaching avec deux enseignants pour un cycle complet au secondaire en décloisonnant les matières. Introduire un programme éliminant une matière de base pour une année en s’assurant que les acquis du programme régulier de la matière en question sont bien atteints l’année précédente.

Côté technologique, quand des enseignants m’approchent pour me dire qu’ils n’ont pas de sans-fil dans leur établissement, qu’ils ne peuvent pas utiliser leur propre ordinateur à l’école, que les appareils des élèves ne sont pas permis à l’école alors qu’ils n’ont pas accès à aucun ordinateur fonctionnel, qu’aucun programme d’éducation à la citoyenneté numérique n’est en place dans leur milieu, je me demande comment s’attendre à ce que le reste des choses changent si on est encore là. Le seul fait de parler encore de « services aux élèves » à propos des ressources d’encadrement essentielles pour certains de nos élèves à besoins particuliers en dit long sur la vision archaïque de l’intégration de cette clientèle. On ne doit plus parler de service, mais bien de ressources essentielles dans un contexte où cette clientèle occupe maintenant plus du tiers de nos classes et que les enseignants seuls ne suffisent pas à encadrer ces élèves.

 

L’école de demain vous dites …

Déjà il y a quelques années, en 2013, je me rendais à Calgary pour participer à un événement regroupant des centaines d’éducateurs et portant sur ce qui faisait obstacle au changement en éducation organisé par le ACELe constat était clair quant aux obstacles, les avenues bien présentées autour des compétences de demain et des apprentissages authentiques, en lien avec nos fameuses compétences transversales de notre programme de formation de l’école québécoise de 2001 (voir aussi le document de CCR). Je suis donc quelque peu découragé que des acteurs majeurs du milieu de l’éducation ou du gouvernement doivent, encore aujourd’hui, être convaincus de la nécessité de ce changement.

Mais aujourd’hui qu’en est-il ?

Depuis toujours, attendre que les changements soient amorcés par une instance supérieure m’a semblé utopique. L’implantation de la réforme au Québec devrait être une référence pour voir à quel point on peut faire déraper un changement de paradigme pourtant innovateur à l’époque. La récente présentation de Égide Royer devant les membres du parti politique au pouvoir actuellement ne peut être plus claire.  Reste à voir maintenant ce qui sera réellement mis en application, surtout si du financement supplémentaire s’avère nécessaire. On risque d’y piger quelques éléments à la manière d’un buffet chinois, sans égard à la vision globale présentée. Parce que ce qu’il faut pour vraiment changer les choses en éducation c’est une vision à long terme.

« La personne qui ne sait pas où elle veut aller ne trouve jamais de vents favorables. » — Chef Seneca #CEACalgary2013

Mais bien au-delà de tout ceci, suite à cette soirée au Cadre21, à la succession de ministres de l’Éducation et aux propos d’Égide Royer, il reste qu’après 20 ans dans ce système, j’en viens au constat que le principal frein au changement est peut-être simplement que l’éducation n’est pas une priorité pour la population de notre province. Depuis combien de temps parlons-nous de décrochage scolaire ? Quelle valeur est accordée à un diplôme d’études secondaire, à un diplôme collégial ou universitaire ? Quelle est la perception de la population en regard aux enseignants et à notre système d’éducation en général ? Quelle importance les acteurs du milieu scolaire (enseignants et gestionnaires) accorde-t-ils à leur développement professionnel ? Au sein d’une population vieillissante, est-il tout simplement possible que les priorités soient ailleurs ?

Malgré tout, pendant que certains en parlent et en discutent de l’école de demain, d’autres y travaillent quotidiennement de façon créative, et il faudrait peut-être aujourd’hui beaucoup plus s’en inspirer.

Sébastien Stasse